En avance sur son temps, Biskra était la Mecque des touristes et de la jet-set venus des quatre coins du monde l Ce livre retrace avec poésie et nostalgie l'histoire de cette ville surnommée, à raison, la «Reine des Zibans». Au cours de la première moitié du siècle précédent, la mode, — le must, comme aujourd'hui aller à Miami ou Monte Carlo —, était de passer l'hiver à Biskra pour les «richs and famous» du monde entier. Par bateau jusqu'à Alger, puis par la route, par train, voiture ou véhicule tiré par des chevaux, les heureux vacanciers créaient des embouteillages aux carrefours de la «reine des Zibans» qui abritait, alors, moult dîners de gala dans une ambiance de dolce vita... Les Anglaises sirotaient leur «darjeeling tea» à l'heure du «tea time» dans les jardins fleuris de Biskra. Il y avait aussi un gros contingent d'artistes, d'écrivains. Dans son très beau livre, Mohamed Balhi nous donne une liste de ces glorieux «specimens», parfois décadents, assoiffés de soleil et d'air limpide : Oscar Wilde, Bela Bartok, Marlène Dietrich, Eugène Fromentin, Henri Matisse, Etienne Dinet, Isadora Ducan, André Gide, Robert Hitchens,Claude Debussy... Comparée à Biskra, Marrakech à cette époque-là n'était qu'une sombre bourgade sans électricité où campaient des légions de dromadaires. Avant même Las Vegas, Biskra possédait un grand casino aux confins du désert. La ville était enveloppée d'une immense palmeraie d'une grande splendeur, qu'irriguaient des sources d'eau claire serpentant au milieu des vergers. Très loin de la décrépitude actuelle des hôtels en Algérie, Biskra possédait de splendides palaces où les employés faisaient des assauts de courtoisie et où les riches clients ressentaient le charme inimitable de l'hospitalité du Sud. Dans son livre, fruit d'intenses recherches, Mohamed Balhi a réuni des tableaux de grands peintres et des photographies inédites de lieux, comme le beau jardin Landon, où Biskra déploie ses plantes exotiques et des palaces dont il ne reste plus, hélas, aujourd'hui aucune trace : Hôtel du Sahara, Hôtel Royal, Hôtel Transatlantique, Hôtel Oasis... L'écrivain et journaliste Balhi nous livre ainsi le brillant passé de sa ville natale, avec un texte d'une langue lumineuse et historiquement très précise. Il ne fait pas un drame de ce que Biskra a perdu, sachant bien que nul ne peut se délecter longtemps du passé colonial. On connaissait le grand reporter qui publiait dans Algérie Actualités ses récits de voyage à la manière d'un Kérouac. Avec son nouveau livre, il nous fait entrer par la grande porte dans le passé de sa ville. Biskra miroir du désert rend instantanément visible et présente la mémoire d'une belle ville. On est transporté sur les rives de l'oued Zidi Zarzour, dans les confins d'Oumèche et de Tolga, on revisite la petite gare d'où partait le train mythique Biskra-Touggourt, sur cette voie ferrée qui a failli se poursuivre jusqu'aux rives du lac Tchad ! C'est une sensation très forte. Ce qui devrait pousser les éditions Anep à ressortir une autre édition de Biskra miroir du désert, car c'est devenu une rareté dans les librairies d'Alger. Biskra miroir du désert, de Mohamed Balhi éditions Anep 2011 246 pages , 1400 dinars