Des compagnies publiques accusées de faire du dumping, des sociétés privées qui se disent lésées et de nouveaux entrants étrangers à qui on aurait «offert l'Algérie sur un plateau», la concurrence sur le marché national des assurances serait tout, sauf loyale. La branche de l'assurance automobile de plus en plus prépondérante dans la structure du marché, dont elle représente aujourd'hui une part de 50%, se trouve au cœur de cette bataille public-privé. Et pour cause, son chiffre d'affaires dépasse les 40 milliards de dinars, selon le rapport 2010 du ministère des Finances sur le secteur. Quand on sait que les compagnies publiques s'accaparent les trois quarts du marché global, on comprend l'enjeu autour duquel les uns et les autres s'opposent. De par leur assise historique et financière, les compagnies publiques qui exercent depuis 40 ans, dominent logiquement et s'adjugent les plus gros marchés, tandis que le secteur privé mise sur la branche automobile pour se maintenir. «Aujourd'hui, même les entreprises privées sont obligées d'aller s'assurer chez les compagnies publiques, car leurs banques publiques les poussent à le faire», nous dit le représentant d'une société d'assurance privée. Dans cette configuration, «il ne reste au privé que le segment de l'automobile et là encore, les compagnies publiques cassent les prix, obligeant les privées à s'aligner», nous dit-on encore. Ce qui est reproché aux sociétés publiques c'est, précise la même source, «de faire du dumping» sur la branche de l'automobile. En d'autres termes, de «travailler à perte, en proposant des tarifs trop bas ne permettant pas de couvrir les montants des sinistres», puisqu'elles «ont la protection du Trésor public et n'ont pas de souci de rentabilité». Selon le responsable d'agence d'une compagnie d'assurance publique, «l'assurance automobile est généralement contractée dans le cadre d'une convention qui englobe également la couverture d'autres risques quant il s'agit d'entreprises. Mais pour les particuliers, il est vrai que pour certains, on travaille réellement à perte». Toutefois, reconnaît-il, «cette perte est couverte par d'autres services», mais elle ne serait pas systématique. Qu'elles soient systématique ou pas, les compensations par d'autres services «ne peuvent être faites que par les compagnies publiques par ce qu'elles ont dans leur portefeuille du corporate, en revanche les privées ne peuvent pas faire de la compensation», nous dit un consultant auprès d'un assureur privé. D'après le responsable d'une compagnie d'assurances privée, «par ce jeu des réductions, le marché perd annuellement environ 500 millions de dollars de chiffres d'affaires». Le privé n'est pas en reste Du côté des entreprises publiques, on affirme qu'elles ne sont pas les seules responsables de cette bataille des tarifs. Amara Laâtrous, PDG de la SAA et président de l'Union des assureurs et des réassureurs (UAR), estime dans une déclaration à El Watan Economie qu'il «n'y a pas de différentiation entre public et privé» dans cette «concurrence déloyale qui s'opère sur les prix». Selon lui, «les compagnies des deux secteurs font des réductions énormes qui ne couvrent parfois pas suffisamment» ce qu'ils doivent indemniser. En d'autres termes, leurs tarifs «ne représentent pas la contrepartie réelle de l'assurance, surtout quand ces réductions parfois atteignent les 90%». Il soutient qu'il y a des entreprises qui possèdent un parc automobiles important à qui les assureurs «offrent des réductions de 50% ou 60% pour obtenir le droit à la couverture des autres risques» dans le cadre d'une convention. Il faut savoir que dans un contrat d'assurance automobile, il y a l'assurance obligatoire qui porte sur la garantie responsabilité civile (RC), c'est-à-dire la protection des victimes en cas d'accident et les assurances facultatives qui incluent l'assurance ‘tout risque' ou l'assurance ‘dommage collision'. Le tarif obligatoire est réglementé, en revanche «c'est sur les assurances facultatives que les sociétés peuvent opérer comme elles veulent», souligne M. Laâtrous. Quant au fait de dire que les compagnies privées sont obligées de s'aligner sur le public, le président de l'UAR considère que rien ne justifie cela. En outre, dit-il, pour «les marchés de certaines APC et certains hôpitaux, ce sont les compagnies privées qui ont cassé les prix». En tout état de cause, qu'elles soient publiques ou privées, les sociétés d'assurance «s'adonnent à un jeu dangereux qui remet en cause l'équilibre technique du tarif de l'assurance automobile», d'après M. Laâtrous. En attendant, à ce petit jeu, ce sont les compagnies publiques qui tirent le plus d'avantages. Selon le rapport du ministère des Finances, le chiffre d'affaires de la branche automobile a augmenté de 14% entre 2009 et 2010, alors que les indemnisations sont restées quasiment inchangées.Durant la même période, trois des quatre principales compagnies publiques ont vu le montant de leurs indemnisations baisser tandis qu'il a augmenté pour 5 des 7 compagnies privées.