Le chiffre d'affaires de l'assurance-auto, en hausse de 12% en 2010, ne doit pas faire illusion. Elle est surtout un effet mécanique de l'accroissement du parc et de la hausse des tarifs. En attendant une mise à niveau qui tarde à se faire, les assureurs vont, une fois de plus, solliciter les pouvoirs publics pour une nouvelle hausse. La modeste croissance, voisine de 4%, enregistrée en 2010 par le secteur algérien des assurances est imputable pour l'essentiel à la branche automobile. Son chiffre d'affaires (CA), en hausse de plus de 12 %, représentait près de la moitié de l'activité des assureurs algériens. Une tendance confirmée au premier trimestre 2011 avec une croissance de 8% du CA de la branche auto, qui compte désormais pour prés de 55% de l'activité globale du secteur. On est très loin de la diversification souhaitée par les autorités financières algériennes et on assiste au contraire à un processus de renforcement de la spécialisation du secteur. Si la branche auto apparaît plus que jamais comme la locomotive du secteur des assurances, ses performances récentes doivent être relativisées du fait qu'elles reposent non seulement sur l'accroissement du parc auto, mais aussi sur une augmentation des tarifs de 20% en 2 ans négociée entre les compagnies et les pouvoirs publics. La formule a si bien marché qu'elle a donné des idées aux compagnies qui sont sur le point de formuler une nouvelle demande d'augmentation. Option confirmée, il y a peu, par M. Amara Latrous, PDG de la SAA et président de l'Union des assureurs algériens (UAR), qui a annoncé la présentation prochaine par l'UAR d'un dossier pour une nouvelle augmentation des " tarifs automobiles obligatoires dans le but d'assurer l'équilibre financier global de la branche auto". L'annonce du président de l'UAR relance un débat déjà ancien entre compagnies et pouvoirs publics. Pour ces derniers, l'augmentation des tarifs ne doit pas servir à couvrir ou à compenser les insuffisances qui caractérisent aujourd'hui encore la gestion de la branche auto par les compagnies du secteur. Pour en faire préalablement le diagnostic, le ministère des Finances avait inscrit, voici quelques années, le thème du " retour à l'équilibre technique et financier de la branche automobile " parmi les priorités d'un programme de coopération mis en œuvre avec l'aide du Programme MEDA de l'Union européenne. UNE MISE A NIVEAU EN SUSPENS Entre 2003 et 2006, plusieurs dizaines d'experts européens ont ainsi planché avec les cadres des principales compagnies publiques sur un programme de mise à niveau des prestations de la branche auto. De la réduction des délais d'indemnisation à la lutte contre la fraude, en passant par la mise en place du système du bonus-malus et la réforme de l'expertise, l'ensemble des aspects de la gestion de la branche ont été passés en revue et une panoplie de mesures adoptées et programmées avec la caution des PDG des compagnies publiques et de la Direction des assurances. Près de 5 ans plus tard, la plus grande partie de cet ambitieux plan de redressement reste toujours à appliquer. La tâche n'est pourtant pas insurmontable. Les mesures prévues pourraient faire beaucoup de bien non seulement à la branche auto mais également contribuer à renforcer la sécurité sur les routes algériennes qui battent chaque année des records de dangerosité et vont franchir la barre des 4000 morts cette année. Au cœur du dispositif de ce programme de modernisation, on trouve la réduction des délais d'indemnisation avec l'objectif de les ramener en moyenne à 45 jours. Un objectif réalisable à condition de mettre en vigueur une convention signée entre les compagnies du secteur dès 2001 et jamais appliquée. Dans le cadre de cette convention baptisée IDA (indemnisation directe des assurés), chaque compagnie indemnise directement son propre assuré, tandis que les recours sont réglés par la convention. Une procédure qui serait évidemment de nature à réduire considérablement les délais de règlement des sinistres qui sont aujourd'hui une des plaies de la profession. Les textes pour la mise en place du système du bonus-malus existent depuis plusieurs années mais ne sont pas appliqués. C'est un autre volet du programme technique de mise à niveau de la branche auto. Le système fonctionne et a largement fait ses preuves dans de nombreux pays, y compris les pays voisins de l'Algérie. L'objectif consiste, à travers notamment la création et l'alimentation par les compagnies d'un fichier national des conducteurs, à récompenser les bons conducteurs et à pénaliser les mauvais. 26 MILLIARDS DE DINARS D'INDEMNITES VERSES EN 2010 La lutte contre la fraude, réputée importante dans la branche et qui cause un préjudice économique non négligeable aux compagnies, figure également au programme. Elle devrait se concrétiser par la création d'une Agence baptisée ALFA-Algérie constituée dans un premier temps par les 3 compagnies publiques. Cette dernière est appelée à jouer un rôle important en mettant en place des outils tels qu'une messagerie inter sociétés, un fichier central des fraudeurs, un recensement des méthodes de fraude ainsi qu'un réseau d'enquêteurs indépendants certifiés qui aideront les compagnies à mener des investigations sur les cas douteux. L' absence d'une impulsion au plus haut niveau, qu'il s'agisse des Directions générales, des compagnies ou de la tutelle du secteur, ainsi qu'une certaine incapacité des opérateurs du secteur à réaliser des progrès en organisation et à travailler ensemble sur des objectifs d'intérêt commun, n'ont pas permis jusqu'ici, en dépit des engagements pris par les compagnies publiques, à ce programme d'avancer d'une façon significative. Dans ce contexte, la tentation est forte pour les compagnies de continuer à utiliser l'instrument, certains diront la solution de facilité, de la hausse des tarifs pour redresser les comptes de la branche auto qui a versé, selon M.Latrous, plus de 26 milliards de dinars d'indemnités en 2010.