Le monde musulman est-il une force ? A voir les pressions organisées autour d'un mauvais dessin et les offensives lancées du haut de l'idée suprême de la représentation, de la diplomatie officielle aux manifestations parallèles en passant par les appels à lapider du danois, oui. A observer les reculades du monde « libre » et les appels d'Etats au « respect raisonné », encore oui. Le monde musulman n'est peut-être pas une force d'action, mais de réaction sûrement, puisque le directeur d'un des deux seuls journaux français qui ont osé montrer les dessins incriminés a été démis de ses fonctions le soir même. La force du monde musulman est-elle bien utilisée pour autant ? Là, par contre, il semble bien que non. Se mobiliser autour d'un dessin en oubliant d'autres faits beaucoup plus graves comme les attentats racistes en Europe, le colonialisme ethnico-religieux d'Israël ou l'islamophobie déclarée du monde blanc est un peu déplacé, d'autant qu'il y a cette colère en retard - le dessin étant daté du 30 septembre 2005 - qui rappelle trop l'indignation différée des officiels algériens, trois mois après l'adoption de la loi française sur la « colonisation positive ». Mais il y a surtout dans l'appel au boycott des produits danois par l'Arabie Saoudite, suivie sans réfléchir par les autres, une grande forme d'hypocrisie. Le Danemark ? Un yaourt et un fromage, pas de quoi changer l'histoire et ses habitudes alimentaires. Vu la conjoncture, il semble bien plus juste de boycotter les produits américains. Mais là, il n'y a étrangement plus personne, à commencer bien sûr par l'allié saoudien de l'Amérique. Car la stupidité des Danois ne réside pas dans ces mauvais dessinateurs. Elle est surtout dans l'envoi d'un contingent de soldats en Irak pour aider les Américains à occuper un pays qui ne leur a rien fait. Brûler des Danois ? Oui, mais pour de bonnes raisons.