Ouverts jeudi à Vienne, les travaux du Conseil des gouverneurs de l'Agence internationale pour l'énergie atomique ( AIEA) se sont achevés hier dans la matinée par la décision, attendue, de transmettre le dossier du nucléaire iranien au Conseil de sécurité. L'Iran par la voix de son chef de mission à Vienne a immédiatement réagi à l'issue du vote de l'Agence atomique, annonçant sa décision de reprendre « à grande échelle » ses activités d'enrichissement d'uranium et de limiter sa coopération avec l'AIEA. Le conseil de sécurité saisi Le scénario que les observateurs prévoyaient à la suite de l'accélération des événements de ces dernières semaines marquées notamment par la pression des membres permanents du Conseil de sécurité soutenus dans leur action par la troïka de l'Union européenne a donc fini par prévaloir sur l'option du dialogue et de la concertation qui vient d'être enterrée avec le nouveau développement qu'a connu hier le traitement de ce dossier. L'Iran avait anticipé sur cet événement annonçant avant même ce verdict de l'AIEA avoir préparé une lettre à l'adresse des responsables de l'AIEA pour les informer des intentions du gouvernement iranien dans le cas où le dossier nucléaire iranien viendrait à être transféré devant le Conseil de sécurité. L'Iran avait compté, mais sans trop d'illusion sur le soutien de la Russie et de la Chine pour faire avorter le forcing fait par les Américains en vue de traîner l'Iran devant le Conseil de sécurité. Ces deux pays avaient réussi à arracher quelques concessions en obtenant un sursis d'un mois avant que le dossier ne passe à sa phase pratique. Ce n'est que le 6 mars prochain que le directeur général de l'AIEA, Mohamed Al Baradei, devra présenter son rapport sur la situation du dossier nucléaire iranien. C'est sur la base de ce rapport que le Conseil de sécurité devait être saisi par l'AIEA. Mais avec la résolution adoptée hier par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA, ces concessions ne signifient plus grand-chose dans la mesure où la décision de saisir le Conseil de sécurité est déjà prise avant même que le rapport du directeur général de l'AIEA ne soit ficelé. Le seul lot de consolation laissé aux Iraniens réside dans la date butoir du 6 mars prochain. L'UE, la Chine et la Russie ont donné leur onction à la résolution de l'AIEA après avoir obtenu des Américains d'appeler dans le texte à la nécessité d'un Proche-Orient dénucléarisé. Personne n'est dupe qu'il s'agit là d'une simple profession de foi qu'il sera très difficile, voire impossible d'appliquer et de faire respecter par la principale puissance nucléaire de la région, en l'occurrence Israël. L'AIEA ne s'est jamais sérieusement intéressée à ce pays, même s'il est de notoriété publique avec les révélations faites par des experts israéliens qui ont payé cher leurs aveux qu'Israël est loin d'être un pays au-dessus de tout soupçon. La machine à broyer l'Iran est donc bien mise en marche. Le coup d'envoi a été donné hier avec le vote du texte de l'AIEA. L'Iran, qui avait déjà annoncé le 10 janvier sa décision de reprendre les activités d'enrichissement de son uranium, est monté de plusieurs crans hier en se considérant désormais délié de tout engagement avec l'AIEA. Confrontation avec l'AIEA Les dernières déclarations des Iraniens menaçant d'une riposte « immédiate et destructrice » toute agression contre le pays ont ajouté au climat de tension ambiant. Selon les observateurs, s'il parvient au Conseil de sécurité qui est présidé par les Américains, le texte de l'AIEA devrait passer comme une lettre à la poste. L'intermède qui nous sépare de la date butoir du 6 mars devrait permettre de voir un peu plus clair dans quelle direction s'engage ce dossier à présent que les dés sont jetés de part et d'autre. L'Iran qui a annoncé sa décision de couper les ponts avec l'AIEA est entré dans une phase de confrontation frontale avec cette Agence et au-delà avec les puissances qui cherchent à en découdre avec ce pays. On imagine avec un tel décor politique, qui est loin d'être à l'avantage des Iraniens, le traitement que le Conseil de sécurité devrait réserver à l'Iran lorsqu'il sera saisi de ce dossier. Des représailles militaires ou économiques contre Téhéran ne seraient pas à écarter si on reste dans cette logique de confrontation. Pour le moment on n'en est pas encore là. Les déclarations d'intention des uns et des autres ne sont que la continuation par d'autres moyens - la surenchère verbale - de la guerre des nerfs qui oppose l'Iran à ses adversaires.