La énième révision du code des marchés publics semble amorcer une ouverture vers plus de mesures moins contraignantes. Selon Lies Hamidi, directeur de l'Institut de développement de l'entreprise et de gestion, le décret présidentiel du 18 janvier 2012 modifiant le code des marchés publics a pris «la mesure de l'importance des contraintes procédurières relatives à l'exécution du code des marchés publics». Celui-ci se penche d'ailleurs sur l'article 2 du décret en question, lequel lève la contrainte imposée précédemment aux entreprises publiques d'«adopter» la réglementation des marchés publics. Il ne s'agit plus désormais pour «les entreprises publiques économiques qui sont chargées de la réalisation d'une opération financière, totalement ou partiellement, sur concours temporaire ou définitif de l'Etat, que d'adapter leur propres procédures de passation des marchés». Ce qui dénote, pour le docteur en droit, «une souplesse que n'avait pas l'ancien texte (…) et qui serait un acte salutaire». Le juriste émet cependant un bémol pour les seuils applicables aux commandes de prestations, définis dans l'article 6, qui engendreront «des procédures complexes pour des montants minimes, exprimant des besoins simples et sommaires». Il estime d'ailleurs que l'entreprise, «qui est caractérisée par la célérité et la promptitude dans la prise des décisions, ne peut s'accommoder de telles entraves procédurières». Les nouvelles dispositions apportent toutefois des améliorations notables. Selon M. Hamidi, l'article 6 soulève «l'hypothèse de l'impossibilité de consulter au moins trois prestataires pour le choix de la meilleure offre. Dans ce cas, le service contractant doit joindre un rapport justifiant le choix du prestataire retenu», permettant ainsi à l'entreprise publique de lancer la consultation plus facilement. Il évoque également le recours au ministre des Finances pour les modalités d'application du texte. Ce qui, pour lui, peut laisser penser que «l'autorité administrative peut moduler le contenu de l'article 6 en fonction des contraintes de fonctionnement et de gestion de l'entreprise». Le nouveau texte élargit le recours au gré à gré pour prendre en compte, notamment, les cas d'urgence impérieuse, les positions monopolistiques ou pour favoriser «l'outil de production nationale public». Reste à définir les modalités d'application de ces dispositions. Le privé n'est pas en reste puisque le texte amendé réserve exclusivement 20% de la commande publique aux microentreprises dans la mesure où les marchés concernés ne dépassent pas certains seuils compris entre 2 et 12 millions de dinars selon la prestation sollicitée. Le cahier des charges en question Cette mesure reflète, certes, la volonté affichée par les pouvoirs publics de favoriser le tissu de PME naissantes à accéder à la commande publique. Cela a d'ailleurs fait l'objet, selon le président du FCE, Réda Hamiani, de discussions à l'occasion des différentes tripartites. Cela s'est d'abord traduit par l'inscription d'un taux de préférence nationale à 25% dans le code des marchés publics. Ceci, explique M. Hamiani, afin de permettre aux entreprises nationales de faire face aux entreprises étrangères, notamment chinoises, lesquelles bénéficient d'aides à l'export. Le fait est que la commande publique a profité pour 80% – si ce n'est plus selon le président de la CNPA, Mohand-Saïd Naït Abdelaziz – aux entreprises étrangères. Cela ne justifie pas pour autant, selon lui, de mystifier l'investissement étranger car se pose avec acuité la problématique des capacités de réalisation des entreprises nationales. Des capacités réduites qui expliqueraient d'ailleurs le nombre d'appels d'offres qui se soldent par l'infructuosité. Il plaide dans ce sens pour la nécessité d'évaluer les capacités dont nous disposons et faire son introspection avant de jeter la pierre. Car, pour lui, la contribution des opérateurs étrangers est incontournable que ce soit en termes de réalisation, étude ou fourniture sans qu'elle soit pour autant essentielle à tous les projets, quelle que soit leur taille. M. Naït Abdelaziz appelle aussi et surtout à une mise à niveau des entreprises nationales, leur permettant de nouer des partenariat public-privé efficaces pour se tourner ensuite vers des partenariats avec les étrangers. La mobilisation et la synergie des capacités en place sont aussi le cheval de bataille de la CGEA. Son président, Habib Yousfi, a d'ailleurs évoqué le projet porté par l'organisation patronale pour la mobilisation de 70 opérateurs autour d'un groupement de réalisation lequel prendrait la forme d'une SPA. Aussi et même s'il note les avancées marquées par le nouveau texte en la matière, il regrette la capacité de certains à contourner les règles du jeu, notamment à travers les cahiers des charges. M. Yousfi met en avant, dans ce sens, les limites de la législation en la matière. Car, indique-t-il, ces cahiers de charges se font souvent dans la finalité de favoriser «un système relationnel et un système de corruption» au détriment des capacités réelles de l'entreprise.