Les puissances occidentales et la Ligue arabe se heurtent à l'intransigeance de Moscou, qui a prévenu qu'elle opposera son veto à toute résolution de l'ONU pour mettre fin aux violences en Syrie, qui ont fait hier au moins 59 morts. «Nous n'autoriserons aucun texte que nous considérerons comme erroné et qui conduirait à une aggravation du conflit. Nous ne permettrons pas son adoption. Nous le disons clairement à nos collègues», a affirmé l'ambassadeur russe à l'ONU, Vitali Tchourkine, selon les agences russes. Cependant, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a dit hier avoir noté «l'attitude moins négative» de la Russie lors de la réunion, la veille à New York, du Conseil de sécurité de l'ONU. «Pour la première fois, l'attitude de la Russie et des Brics (Chine, Inde, Afrique du Sud notamment) a été moins négative», a déclaré M. Juppé devant les députés français, laissant entrevoir un espoir d'adopter une résolution soutenant le plan de sortie de crise de la Ligue arabe. Lors de la réunion de mardi, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont plaidé pour faire passer, sous forme de projet de résolution, un plan arabe appelant au départ du président Bachar Al Assad et à des élections libres. Mais en dépit de la recrudescence des violences qui ont fait au moins 400 morts en une semaine et les pressions qui s'intensifient sur Damas, le régime syrien et son allié russe restent sourds aux appels. Selon les analystes, la crise en Syrie s'est muée en conflit armé entre une «guérilla» forte de milliers de déserteurs et un régime déterminé à mater la révolte, éclipsant les images des manifestations pacifiques des premiers mois de la contestation. D'après les militants, la campagne de répression est la plus violente depuis le début de la révolte, en mars 2011. Au moins 59 personnes, dont 38 civils, sont mortes hier, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Le bilan le plus lourd a été établi dans la province de Damas, avec 24 civils tués, dont une femme de 27 ans et une enfant de 3 ans, par des tirs des forces de l'ordre ; 15 soldats ont péri à Homs (centre) dans des combats avec des déserteurs, dont 6 ont été tués près de la capitale, selon l'OSDH. De Hama en 1982 à Homs en 2012, même massacre Les combats entre armée et dissidents font rage dans les provinces d'Idleb, Homs et Damas. L'Armée syrienne libre (ASL), fer de lance de «l'opposition armée», ose depuis quelques jours des attaques aux portes de Damas. L'OSDH a fait par ailleurs état d'une cinquantaine de défections pour la seule journée d'hier. Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a dressé un bilan de la répression depuis le début de la crise : «6000 morts aujourd'hui, selon l'Unicef 384 enfants massacrés par le régime, 15 000 prisonniers, 15 000 réfugiés.» L'OSDH évalue se son côté à au moins 6680 personnes, dont 4755 civils, le nombre de morts depuis le début de la révolte, en mars 2011. Catherine Ashton, la chef de la diplomatie de l'UE, a exhorté hier les membres du Conseil de sécurité à «agir sans plus tarder» pour mettre fin aux violences en Syrie. «Je suis horrifiée par la situation en Syrie, où le régime poursuit son impitoyable et scandaleuse campagne de répression contre le peuple syrien», a-t-elle affirmé dans un communiqué. Le Premier ministre du Qatar, Hamed Ben Jassem Al Thani, avait demandé mardi à l'ONU d'agir pour stopper la «machine à tuer» du régime syrien et mettre fin à une «tragédie humanitaire». L'Américaine Hillary Clinton, le Français Alain Juppé et le Britannique William Hague ont tour à tour dénoncé la répression et appelé à une transition démocratique à Damas. Du côté des militants, la frustration se fait de plus en plus sentir. «Depuis des mois, le peuple syrien fait face pacifiquement à un régime des plus violents dans la région, et jusqu'à ce jour, le Monde arabe et les Occidentaux sont incapables de prendre une décision qui contribue à faire cesser la spirale de violence», ont écrit les Comités locaux de coordination (LCC) qui organisent la mobilisation sur le terrain.L'opposition syrienne a appelé à manifester massivement les deux prochains jours dans l'ensemble du pays pour marquer le 30e anniversaire du massacre de Hama (centre), commis par le régime en 1982, et qui avait fait des dizaines de milliers de morts.