L'indépendance acquise, l'Algérie devint une terre d'asile, et Alger non pas La Mecque, comme on l'a souvent dit à tort, mais une New York des révolutionnaires, des progressistes et des démocrates, une cité cosmopolite, ouverte sur le monde qui de l'Angola au Brésil, de l'Afrique du Sud au Portugal, jusqu'aux Black Panthers et la Palestine, luttaient contre le colonialisme, l'apartheid, le salazarisme, le racisme et les pires dictatures d'Amérique du Sud, toutes ces oppressions théorisées et pratiquées par le « monde libre ». Mais en même temps qu'elle assumait courageusement et avec générosité cette fraternelle solidarité, gravée par la Constitution de 1963, « la République algérienne garantit le droit d'asile à tous ceux qui luttent pour la liberté »(1), elle mettait, surtout à partir du 19 juin 1965, nombre de ses progressistes et révolutionnaires, mais pas seulement eux, en taule, les empêchait de parler, les torturait ou les forçait à l'exil. Erreur en deçà, vérité au-delà. C'est dans un contexte de bouillonnement anti-impérialiste et de « zèle anticolonialiste », pour reprendre la formule du président Boumediène dans son discours inaugural du Festival panafricain en 1969, alors que les pays du « Tiers-monde » étaient des acteurs de l'Histoire, qu'Oscar Niemeyer est sollicité par l'Etat algérien. En 1967, trois années après le coup d'Etat militaire contre le président Joao Goulart, persécuté et empêché de travailler par la dictature militaire, il quitte son pays. Il s'installe à Paris, reçoit un coup de main d'André Malraux, qui lui obtient un décret l'autorisant à exercer son métier, son art. « Mais, nous dit-il, je n'ai jamais travaillé pour l'Etat français. »(2) Ami intime de Castro, l'inventeur de Brasilia, et d'une esthétique des courbes ne renie ni son engagement politique ni son idéal communiste, ce qui n'altère en rien son ouverture d'esprit et sa créativité artistique à nul autre pareil, contrairement à ce que des esprits étroits et chagrins pourraient penser.