Des images émouvantes, des paroles touchantes, une musique qui donne des frissons, ce sont là les quelques éléments d'un beau film documentaire projeté samedi soir à la salle Cosmos Alpha de Riadh El Feth. Un film, pas encore finalisé de surcroît, qui a marqué les esprits et a incité l'assistance à réfléchir sur l'unité africaine, ce rêve qui a parcouru l'Afrique pendant des générations entières. En effet, l'Algérie et les mouvements de libération africains, dont l'intitulé a déjà valeur d'invitation à la réflexion et à la méditation, est un film documentaire relatant la contribution de l'Algérie à la libération du continent noir et la lutte des peuples contre le colonialisme et l'impérialisme. Une contribution que le continent africain a inscrite en lettres d'or dans sa mémoire collective. Reconstituant les différents événements ayant marqué une bonne partie de l'histoire de l'Afrique entre les années 1960 et 1970, une période où plusieurs pays du continent étaient encore sous domination coloniale, le réalisateur sud-africain Ramdan Sulemane a su comment intégrer d'inédites images d'archives à son documentaire, lequel est agrémenté de témoignages de personnalités algériennes et d'autres pays africains ayant soutenu activement les mouvements de libération en Afrique, dont le premier président algérien Ahmed Ben Bella, la personnalité historique Djelloul Malaïka et l'ancien président du Mozambique, Joaquim Chissano. Tous ces personnages illustres qui ont sacrifié leur vie pour la liberté et la dignité en Afrique ont témoigné leur gratitude et leur profonde reconnaissance à l'Algérie, cette terre qui les a accueillis alors que leurs pays subissaient encore de plein fouet l'horreur coloniale. Oui, les jeunes générations, ignorant gravement l'histoire de leur pays, ne savent pas qu'Alger fut la Mecque des révolutionnaires durant toutes les années 1960 et 1970. Une ville qui offrait le gîte et le couvert à tous les combattants de la liberté en lutte contre le colonialisme, l'idéologie la plus abjecte que le monde ait pu produire. «Si les musulmans font leur prière dans les Lieux saints, les chrétiens au Vatican, les révolutionnaires la font en Algérie», aimait à dire Amilcar Cabral, père de l'indépendance de la Guinée Bissau. De son vivant, ce grand révolutionnaire africain n'a jamais hésité à évoquer des faits relatifs à l'engagement du président Boumediene pour les causes des peuples colonisés, surtout en Afrique, en citant le cas du Mozambique, de la Guinée-Bissau, du Cap-Vert, alors sous occupation portugaise, rappelant que Boumediene avait refusé de nouer des relations diplomatiques avec le Portugal du dictateur Salazar. Les images de Cabral retransmises par le documentaire de Ramdan Sulemane ont de quoi briser la mer gelée qui est au fond de chacun d'entre nous. Mais que dire alors des images très rares de la visite de Nelson Mandela à la Base de l'Ouest, aux frontières algéro-marocaines, où il s'entraînait avec les éléments de l'ALN aux côtés des éléments de l'Armée africaine ? Un véritable trésor cinématographique qui symbolise l'union de ces mouvements de libération, lesquels ont conduit l'indépendance de leurs pays par la suite. Personne dans la salle de cinéma n'a pu cacher son émerveillement lorsque le documentaire visualisait des images sur lesquelles on peut voir Nelson Mandela avec des éléments de l'ALN, dont le général Lamari et Noureddine Joudi. Ce dernier était d'ailleurs un compagnon de Mandela. Et puis, ce discours grandiose, trouvé au cours de longues recherches dans les archives britanniques, que Nelson Mandela avait lu lors d'un rassemblement populaire avant son emprisonnement : «Peut-être que vous ne savez rien… je suis parti en Algérie où je me suis entraîné, l'Algérie est mon deuxième pays.» Le film montre juste après les entraînements dont a bénéficié le leader Nelson Mandela sur le sol marocain, alors que l'Afrique du Sud avait reconnu le Polisario. Il faut savoir que Mandela a été entraîné sur le sol marocain, mais l'autorisation d'entrée sur le sol marocain demandée à l'époque par l'Armée de libération nationale aux autorités marocaines, était pour accueillir des militants africains à visiter le site. C'est dire que même le Maroc ne savait pas qu'un grand leader de la posture de Mandela était sur son territoire, avec en plus un faux passeport ! Exceptionnelles également ces images de Miriam Makeba que le réalisateur a insérées avec génie dans son documentaire. On y voit une jeune chanteuse pleine de grâce et de charme, à la voix divine, au sourire angélique, qui chante Ana Hora fi Eldjazair, Malaika et entonnant des rimes chaleureuses à la gloire de son pays et de sa résistance contre l'apartheid. Une artiste, une combattante de la liberté qui a marqué une génération d'Algériens par son inoubliable participation au 1er Festival panafricain d'Alger en juillet 1969. Son interprétation exceptionnelle de la célèbre chanson Ifrikia (Afrika) en duo avec Lamari, entrée dans l'histoire depuis, a permis aux générations suivantes de perpétuer le mythe de l'étoile africaine en vibrant aux tonalités de sa voix puissante à l'accent si doux. «La plupart de mes chansons parlent de mon pays, l'Afrique du Sud… Mais le temps aidant, mon répertoire s'est enrichi de chansons des pays par lesquels je suis passée. Néanmoins, le plus fort et le plus intense de mon chant reste les chansons traditionnelles sud-africaines», avait-elle déclaré dans une interview à Alger en 1969 retransmise par le documentaire qui explique bel et bien comment la muse de l'Afrique a porté très haut l'étendard du combat africain pour la liberté et l'indépendance. Un combat miné de nombreuses embûches car les puissances coloniales ont de tout temps infiltré les mouvements de libération pour semer la discorde. C'est ce qui a conduit à l'assassinat de Cabral en 1973. Le documentaire montre par ailleurs comment plusieurs pays africains fraîchement indépendants connaîtront des dissensions graves, à l'image de la Tanzanie, où un coup d'Etat a tenté de renverser le révolutionnaire Nyerere, suite à quoi l'Algérie a envoyé des navires d'armes et de soldats pour aider ce pays à préserver sa liberté chèrement acquise. Cet épisode prouve à lui seul la forte participation de l'Algérie en matière de décolonisation et de soutien aux mouvements africains de libération sur les plans politique, matériel et moral. Différents témoignages apportés par des héritiers des mouvements de libération du continent, qui avaient trouvé à Alger une tribune pour revendiquer leurs droits à l'autodétermination, l'ont bien mis en valeur dans le documentaire de Ramdan Sulemane. Enfin, grâce à cette coproduction, inscrite dans le cadre du 2e Festival culturel panafricain, on peut aujourd'hui prétendre pouvoir expliquer aux nouvelles générations les événements historiques qu'a vécus l'Afrique dans le passé et mettre en exergue les souffrances des peuples et leur lutte pour vivre dans la liberté et la dignité. En tout cas, Ramdan Sulemane a mis un point d'honneur à faire ce film si essentiel pour la préservation de tout un pan de notre histoire africaine. A. S.