L'aventure scientifique du préhistorien français Henri Lhote dans le Sahara algérien n'est pas aussi nette que cela. Tamanrasset De notre envoyé spécial C'est du moins ce qui ressort d'une récente biographie de Monique Vérité, Henri Lhote, une aventure scientifique, éditée chez Artelittera en France. «Cette biographie, publiée après sa mort avec l'accord de son épouse, revient sur les activités d'Henri Lhote en Afrique, notamment en Algérie. La biographe rapporte comment ce préhistorien a pillé le patrimoine national algérien dans le Tassili et l'Ahaggar avec l'aide de l'armée française au début des années 1970. Les accords militaires spécifiques liés à Evian avaient fixé une durée pour l'armée française de se retirer du territoire national. Cette durée ne devait pas dépasser 1972», a déclaré Rachida Zadem, conseillère au ministère de la Culture et représentante de l'Algérie à l'Unesco, lors d'un débat organisé à la faveur du troisième Festival international des arts de l'Ahaggar (qui s'est achevé dimanche 19 février). «Henri Lhote a dit : ‘‘Je devais faire vite. J'ai appelé l'armée française pour utiliser les hélicoptères aux fins de faire sortir les objets archéologiques du territoire algérien avant qu'il ne soit trop tard''. Il a ajouté que ces objets étaient récoltés dans les différentes missions. Cela est écrit dans la biographie», a-t-elle ajouté. En 1976, un cadre du ministère chargé de la Culture a, selon elle, conseillé au ministre Ahmed Taleb Ibrahim de faire appel à Henri Lhote pour préparer des textes de création du Parc national du Tassili. «Heureusement que Lhote n'a pas pu élaborer ces textes ! Le ministre Taleb a été rappelé à d'autres fonctions ! Pourtant, nous avions d'éminents juristes qui pouvaient préparer ces textes dans les années 1970», a-t-elle dit. Rachida Zadem commentait un documentaire de l'ex-RTA, réalisé la fin des années 1970, suivant un voyage de Henri Lhote dans le sud algérien, accompagné de… Rédha Malek, alors ministre de la Culture et de l'Information, pour un mission scientifique dont le but était de mettre en place le parc du Tassili N'Ajjer. «Alors, comment un ministre de l'Etat algérien accompagne-t-il un Henri Lhote qui a pillé le Tassili ?(…) Jusqu'à 1998, date de la loi de protection, la gestion du patrimoine culturel national s'est faite de cette manière que vous avez dans le documentaire. En 1995, je suis venue au Tassili. J'y trouvais une équipe allemande qui faisait de la recherche et de la fouille. Cette équipe se déplaçait seule. Je n'accuse personne et je ne porte pas de jugement», a appuyé Rachida Zadem. Entre 1956 et 1957, Henri Lhotte a relevé les peintures rupestres du Tassili avec l'aide de photographes, d'artistes peintres, de chimistes et de géologues français. Il s'est fait aider par Jebrine Ag Mohamed, guide targui, parfait connaisseur des endroits où les gravures rupestres se trouvaient. Il avait appuyé nombre de chercheurs occidentaux dans la région entre 1949 et 1981. Cela ne veut - bien entendu - pas dire qu'il les avait aidés à piller les richesses nationales. Henri Lhote, qui a été chargé du département d'art préhistorique au Musée de l'Homme de Paris, a relevé les gravures rupestres grâce à des calques rapportés sur papier puis peints. Ses «travaux» avaient été exposés à Paris, au Musée des arts décoratifs en 1958. «Henri Lhote a été le principal auteur de la dégradation des gravures rupestres du Tassili. En 1956, Lhote a participé à une mission de six mois dans le Sud. Les artistes qui l'ont accompagné ont pris des photos des gravures, provoquant leur dégradation rapide à cause du mouillage qui précède la prise. Lui-même l'a écrit : ‘‘Pour prendre une photo, j'ai épongé et j'ai vu dégouliner les couleurs des gravures''. Un copiste a reconnu que pendant des millénaires les gravures rupestres n'ont pas connu de dégradation autant que pendant la période de Henri Lhote. A Djanet, il a eu recours à une centaine de chameaux pour avancer dans le désert. Il a contribué à la destruction de toutes les geltas de la région», a déclaré, pour sa part, Mourad Betrouni, directeur du patrimoine au ministère de la Culture, lors du même débat. Selon lui, Henri Lhote a démaillé le tissu du système tassilien. «Donc, la dégradation des gravures rupestres n'est pas due, contrairement à ce qui a été dit, au tourisme» , a-t-il appuyé.