L'ambassadeur de la République tchèque à Alger, Son Excellence Pavel Klucky, évoque, dans cet entretien sur les relations bilatérales entre son pays, l'ex-Tchécoslovaquie, et l'Algérie, l'analogie de l'avènement du Printemps arabe avec la transition en Europe de l'Est à l'issue de la chute du mur de Berlin et la situation économique en République tchèque. Pour le 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, l'ambassadeur parle d'une exposition commune sur le soutien de l'ancienne Tchécoslovaquie à la Révolution algérienne. - 23 ans après la chute du mur de Berlin, une autre transition, celle du Printemps arabe. Une analogie avec la mutation en Europe de l'Est… Il est difficile de comparer la transition en Europe de l'Est avec les événements qui sont survenus dans le Monde arabe l'année dernière. Tout d'abord parce qu'il est impossible de prendre une région – l'Europe de l'Est ou le Monde arabe – en bloc. La situation diffère d'un pays à l'autre. La transition de la Tchécoslovaquie à l'époque et de la République tchèque depuis 1993 était donc différente de celle de la Pologne, de la Hongrie ou de la Roumanie. La «Révolution de velours» qui a commencé le 17 novembre 1989 à Prague, dirigée par le défunt Vaclav Havel et suivie par des centaines de milliers de personnes, a mis fin en l'espace d'un mois à 40 ans de domination communiste en Tchécoslovaquie. Le passage du pouvoir ainsi que le renouvellement des élites politiques s'est opéré rapidement avec des élections libres au début de 1990, laissant les anciens dirigeants hors de la nouvelle vie politique. Cette rupture radicale avec l'ancien régime, je dirais cette «méthode-choc» qui a ensuite été utilisée aussi au niveau de la transition économique, ne s'appliquait pas forcément chez nos voisins où la transition s'est effectuée de façon plus graduelle en intégrant et transformant les anciennes élites. Et c'est aussi le cas de l'évolution politique en Algérie, je crois. Une autre différence que je vois est le fait que nos pays en Europe centrale avaient, dès le début des changements, une vision ou une direction plus ou moins claire de leur transformation, et c'était l'intégration européenne. Les critères posés par l'Union européenne pour permettre l'entrée de nouveaux Etats étaient clairement définis – au niveau politique, économique ou communautaire. Mais il n'était pas non plus si facile de les atteindre. Les négociations et tout le processus de l'intégration ont duré plus de 10 ans, avec l'entrée de la République tchèque et de 9 autres pays en 2004. - Et au Maghreb... Au-delà de ce que j'ai déjà dit plus haut, je vois une analogie possible entre l'Europe centrale et le Maghreb, et c'est au niveau de la coopération régionale entre les voisins. Nous avons créé en 1991 avec nos amis polonais, hongrois et slovaques une coopération dite de Visegrad qui fonctionne de manière très flexible, sans bureaucratie, mais qui nous a permis et permet toujours d'avancer ensemble là où nos intérêts se rejoignent. Je crois que ce format de partenariat est imaginable pour la coopération au niveau du Maghreb. - Les relations bilatérales entre la République tchèque (Tchécoslovaquie) et l'Algérie sont une grande histoire d'amitié. Surtout durant la Révolution algérienne... Effectivement, les Tchèques ont des relations traditionnelles avec l'Algérie, et cela depuis la guerre d'indépendance. Nous avons d'ailleurs entamé nos relations diplomatiques le 23 mars 1962, encore avant l'indépendance de l'Algérie. Pour le 50e anniversaire, nous préparons une exposition commune avec nos amis algériens sur le soutien de l'ancienne Tchécoslovaquie à la révolution algérienne. Il est vrai que notre coopération que ce soit au niveau économique, culturel, juridique ou d'autres était plus étroite dans les années 70 et 80. Après, vu les changements chez nous que j'ai décrits plus haut et les problèmes sécuritaires en Algérie, nos relations se sont affaiblies. Et c'est aujourd'hui que l'on redécouvre mutuellement une base solide de notre partenariat qu'on souhaite revitaliser et développer à nouveau. Il n'en est pas moins que l'Algérie reste un des partenaires commerciaux les plus importants de la République tchèque sur le continent africain. En novembre dernier, un accord de coopération économique et industrielle a été signé à Prague pendant la visite officielle du M. Medelci, et on prévoit l'institution de la commission mixte algéro-tchèque le mois prochain. Nous sommes contents que le ministre, M. Benmeradi, ait déjà confirmé sa présence à Prague à cette occasion. - La République tchèque, économiquement parlant, se porte bien... Nous sommes passés, non sans mal, par une restructuration économique et financière importante dans les années 1990, ce qui nous a en quelque sorte permis de ne pas être radicalement touchés par la crise financière actuelle. Néanmoins, notre économie reste entièrement liée avec nos partenaires européens, notamment l'Allemagne, et donc nous subissons aussi les conséquences de la crise. La République tchèque est un pays avec une tradition industrielle forte, notamment dans la construction mécanique et la production automobile. D'ailleurs, même ici en Algérie, je vois beaucoup de véhicules Skoda sur les routes, et on ne se rend peut-être même pas compte que ce sont des voitures tchèques. A part l'industrie, nous essayons de nous diriger vers les technologies de pointe. Pour vous donner quelques exemples, un centre de «super-laser», un des plus puissants au monde qui sert à examiner les tumeurs, verra le jour bientôt dans les environs de Prague. Prague est aussi le nouveau siège de l'Office de supervision du système européen de navigation Galileo. Dans la deuxième ville du pays, à Brno, nous avons ouvert un centre international de recherche médicale de nouvelle génération. Le centre d'innovation à Ostrava, en Silésie, est en train de construire un «superordinateur», le plus puissant ordinateur en Europe centrale, qui aidera à la recherche dans le domaine des nanotechnologies. - Et politiquement ? Politiquement, la République tchèque est ancrée dans l'Union européenne et dans l'OTAN. Cet ancrage détermine nos choix politiques. Nous nous réjouissions du fait que l'Algérie et l' OTAN travaillent en étroite coopération que ce soit au niveau politique ou militaire.