Maître Jean-Yves Dupeux a assisté le juge Fabrice Burgaud, qui avait été chargé de l'instruction de l'affaire de pédophilie d'Outreau un retentissant fiasco judiciaire mettant à nu des failles du système judiciaire français et la nécessité de sa réforme , auditionné mercredi dernier par la commission d'enquête parlementaire présidée par le député André Vallini (PS). Que ressort-il de l'affaire d'Outreau et de l'instruction menée par le juge Burgaud ? Il ressort de cette affaire deux problèmes principaux . Le premier réside dans la difficulté du recueil des preuves, difficulté inhérente à toute affaire de pédophilie. Qu'a fait le juge Burgaud ? Il a entendu les enfants, les parents Delay, la mère, surtout, qui a reconnu les faits et qui a accusé d'autres personnes. Le juge Burgaud a également entendu un couple de voisins, qui, lui aussi, a reconnu les faits et accusé les mêmes personnes. Le juge a désigné des experts pour tester la crédibilité des accusations des enfants et des trois adultes. Des perquisitions ont été faites. Lorsque le juge a trouvé des éléments susceptibles de conforter les accusations, il a mis des personnes en examen et saisi le juge des libertés et de la détention. Le juge d'instruction, en France, n'a pas le pouvoir de mettre en détention provisoire des prévenus, pour ce faire il fait appel au JLD. Le second grand problème est celui de la détention provisoire. Treize personnes déclarées innocentes ont été acquittées, la plupart d'entre elles ont passé trois ans en prison. Qu'est-il reproché au juge Burgaud ? Il est reproché au juge Burgaud de ne pas avoir suffisamment instruit à décharge, d'avoir cru aveuglement les accusations des adultes, notamment de Mme Delay, et des enfants, de ne pas avoir assez ordonné de confrontations individuelles, et de ne pas avoir remis en liberté des prévenus accusés à tort. La première cour d'assises a procédé à un certain nombre d'acquittements. D'autres prévenus ont été libérés en appel. Le juge d'instruction est seul à mener l'enquête. Est-il pour autant seul responsable ? Le juge d'instruction est seul à mener l'enquête, mais lorsque des faits nouveaux apparaissent, il doit les communiquer au parquet qui contrôle et ordonne des réquisitoires supplétifs. Le procureur a fait des notes à ses supérieurs hiérarchiques, la chancellerie n'a rien eu à redire. On a laissé faire le juge Burgaud. Vous avez assisté, avec votre confrère, Me Maisonneuve, le juge Burgaud. Quelle en a été la teneur ? Notre rôle a été un rôle d'accompagnement et de soutien moral. Nous avons préparé avec le juge Burgaud son audition par la commission d'enquête parlementaire. Que risque le juge Burgaud ? Le juge Burgaud risque une poursuite disciplinaire par l'inspection générale des services judiciaires, qui a ouvert une enquête sur le déroulement de cette dernière et de l'instruction qu'il a menée. Il a été auditionné par cette instance sept heures durant, le même nombre d'heures que par la commission parlementaire Quelles sont les leçons à tirer de cette affaire d'Outreau ? Les membres de la commission d'enquête parlementaire remettront leur rapport dans quelques mois, ils auront à faire des propositions de réforme. Une affaire de cette envergure ne doit pas être confiée à un seul juge, de surcroît jeune et inexpérimenté. Il faut une équipe d'instruction. J'ai senti que ce cheminement d'une instruction collégiale est en bonne voie. Il s'agit aussi de renforcer les critères de mise en détention provisoire.