Dans le cadre du Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de La Casbah, le gouvernement consacrera soixante milliards de dinars pour la restauration d'une partie de la médina d'Alger. Ainsi, après la phase d'urgence qui s'est achevée en 2010, une équipe composée de juristes, d'architectes et d'archéologues est mise en place, avant que celle-ci ne s'attelle à superviser les travaux de restauration qui doivent concerner plus de 350 bâtisses traditionnelles dans les mois à venir. Ce n'est pas trop tôt, lorsqu'on sait que ce patrimoine matériel a fait l'objet de tant de programmes de réhabilitation depuis l'indépendance, avec des opérations qui ont fait chou blanc. On jure, pourtant, par tous les saints que «les pouvoirs publics n'ont jamais voulu faire de mal à La Casbah, sinon par méconnaissance». Autrement dit, un aveu quelque peu loufoque qui renseigne à bien des égards sur l'inculture ou le péché commis l'espace d'une cinquantaine d'années, surtout lorsque des esprits éclairés avaient émis «l'ingénieuse idée» de raser juste après l'indépendance le haut de cette «maudite» Casbah pour en libérer un espace promontoire à leur profit et aux dépens d'un legs, voire d'une histoire et d'une architecture millénaire. En termes plus nets, l'absence d'une prise de conscience d'un patrimoine universel à (re) valoriser et qu'on peine à remettre d'aplomb nous confond avec le résultat amer que nous voyons défiler devant nos yeux chaque jour que Dieu fait : bâti en ruine, squat et (re) squat des douérate emmurées, monticules d'ordures et de gravats jonchant le long de ruelles et placettes, vol des étais de confortement, vomissures générées à la défectuosité des réseaux d'AEP et assainissement, pavage des venelles non remises en l'état… Le décor est davantage lugubre lorsqu'on assiste à la désertion des métiers d'artisanat qui avaient pignon sur rue dans cette cité d'Ibn Mezghenna. Ceux-là mêmes qui étaient disposés en enfilade et participaient à meubler l'atmosphère au grand bonheur des touristes. Mais autres temps autres mœurs, diront d'aucuns. Il ne subsiste que trois ou quatre artisans qui résistent à l'outrage du temps, et que le visiteur a du mal à dénicher au détour de sa virée. Faire du mal à un patrimoine, qu'il soit matériel ou immatériel, ce n'est ni plus ni moins que de l'abandonner à son triste sort. Faire du mal à un site historique, ce n'est pas systématiquement lui porter le coup de massue dans ses parois. Réussir à faire du mal à un bien physique ancestral, ce n'est pas mettre en pièce ses éléments architectoniques au bulldozer. Mais bel et bien réussir à lui opposer l'indifférence et l'exposer à l'incurie des gens, en l'absence, bien sûr, d'une police de protection du patrimoine.Enfin, à lui tourner le dos pendant des décades avant de se réveiller devant un tas de bâti en ruine et un autre en souffrance.