Le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs mobilise les fonctionnaires des mosquées pour des missions de sensibilisation. Les imams devront exhorter les Algériens à accomplir «leur devoir de citoyenneté en prévision du prochain scrutin», a déclaré, samedi dernier à Sétif, Bouabdallah Ghlamallah. Les mosquées, lieu de prière et de quiétude, sont ainsi réquisitionnées par l'administration pour faire de la politique. Si beaucoup saluent l'interdiction faite aux wahhabites de discourir dans les «maisons de Dieu», d'autres s'interrogent sur le geste du ministre des Affaires religieuses. Rappelant l'exploitation des mosquées par le FIS dissous, il a indiqué, rapporte l'APS, que «la mosquée, qui a été utilisée par certains groupes pour diviser la société et susciter la haine au sein d'un même peuple, doit aujourd'hui servir la nation et réformer la société». Bouabdallah Ghlamallah estime que «l'imam doit être présent pour orienter et conseiller les fidèles». Et de conclure : «La mosquée, complément indispensable des institutions de l'Etat, constitue un lieu de prière, et aussi un espace où le citoyen trouve les éclairages, qui lui manquent, dans le langage qu'il comprend.» Cela est perçu comme une atteinte à la loi. L'islamologue Sadek Sleymi affirme que «le ministre des Affaires religieuses commet une erreur». Il explique qu'«au sein d'une mosquée, tenir un discours monotone peut irriter la sensibilité des fidèles présents sur les lieux». Sleymi souligne que «la mosquée peut regrouper différentes mentalités, diverses idéologies et une multitude d'appréciations sociopolitiques». «De ce fait, poursuit-il, il est fortement recommandé de laisser sain le rôle de l'imam et de ne pas l'embourber dans une sphère qui pourrait entacher sa mission principale, à savoir véhiculer les messages de tolérance, du vivre ensemble, d'éducation, de solidarité, d'amour et de respect envers son prochain.» Pour notre interlocuteur, «l'instruction de Ghlamallah trouve son origine dans l'absence de visions claires des partis politiques». «Aucune formation ne présente un programme crédible et détaillé. Outre le déficit démocratique que connaît le pays, les partis politiques, à cause de leur pseudo-militantisme primaire, encouragent l'abstention, car l'Algérien ne s'y identifie pas.» «Je pense que le boycott, prévisible, oblige le ministre à sortir de sa réserve. Dans ce cas de figure, pour les autorités, il n'y a pas mieux que les mosquées, par le biais des imams, pour pousser les Algériens à aller voter le 10 mai», analyse l'islamologue. Mais les responsables du ministère défendent leur position. Adda Fellahi, chargé de communication du département, précise que «les mosquées demeurent des institutions étatiques. M. Ghlamallah voulait dire que l'appel au vote fait partie des missions de l'imam. Quand ce dernier donne des leçons relatives à la vie civile, il doit en parallèle appeler les citoyens à adopter un comportement civilisationnel dans l'intérêt national. L'Algérien est prié de voter, même s'il envisage de glisser un bulletin blanc. L'essentiel, c'est la participation». Dans la foulée, Fellahi tient à souligner que «l'appel des imams n'aura pas de couleur partisane. Ils conseilleront seulement aux Algériens leur devoir de citoyenneté pour sauver l'Algérie des dérapages et de l'inconnu, vu que notre pays reste entouré de zones d'instabilité».