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La crise au département d'anglais s'aggrave
Université d'Alger II
Publié dans El Watan le 14 - 03 - 2012

Depuis les délibérations contestées, le département d'anglais de l'université d'Alger II vit une situation particulière. Le nombre d'étudiants non admis est trop élevé au point d'engendrer un véritable conflit entre enseignants et administration. Le bras de fer entre les deux parties se durcit. Les étudiants, l'administration et les enseignants demandent une enquête ministérielle.
Suite aux délibérations finales de l'année universitaire 2010-2011, qui ont suscité la colère des étudiants non admis, le département d'anglais de l'université d'Alger a connu une succession d'événements. Les positions des parties concernées par le conflit, à savoir les étudiants, les enseignants et l'administration, se radicalisent. Chaque partie se dit lésée dans ses droits et exige une enquête ministérielle. Les enseignants, qui sont en arrêt du travail depuis deux semaines, demandent le déplacement d'une commission ministérielle pour enquêter sur les «dépassements de l'administration».
Cette dernière se montre favorable à cette demande. «Cette enquête, nous la revendiquons. Mais pour enquêter sur tout ce qui s'est passé depuis 10 ans dans ce département», déclare Abdelkader Henni, recteur de l'université d'Alger II. Pour sa part, le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES) soutient la demande d'une enquête ministérielle. Mais jusque-là, la tutelle n'a pas jugé utile de sortir de son mutisme. Sur le terrain, une pétition circule depuis quelques jours pour soutenir l'action des enseignants et une autre dans le milieu estudiantin pour exiger la reprise des cours. Pour calmer 600 étudiants, l'administration a opté pour un nouvel affichage des PV de délibérations. Les enseignants s'estiment piétinés suite à cette décision qui a permis aux étudiants ayant une moyenne inférieure à 10/20 de passer en classe supérieure. Le bras de fer a commencé entre les deux parties à ce moment-là. «C'est une situation particulière. Le nombre d'étudiants non admis est élevé. Ce qui a engendré ce conflit», justifie M. Henni.
«Je ne vais pas mettre 600 étudiants en prison»
En ce qui concerne le silence de l'administration quant à la fermeture du département par les étudiants, le premier responsable de l'université de Bouzaréah répond : «Je ne vais pas mettre 600 étudiants en prison. Notre attitude vise à épargner une autre contestation des étudiants.» M. Henni fait remarquer que l'Algérie traverse une conjoncture très difficile, rappelant que suite au mouvement des étudiants l'année dernière, l'Etat a aboli un décret présidentiel. Le recteur estime agir en toute conscience pour épargner à l'université le scénario de l'année dernière. Pour M. Rahmani, l'argument du recteur est fallacieux : «Il se prend pour le Zorro de l'Algérie alors qu'il n'est pas responsable de la situation politique.» De l'avis du coordinateur du CNES, la situation, qui était au départ anodine, est devenue très compliquée faute de compétences. «Les problèmes pédagogiques ne se résolvent pas sur les journaux», commente M. Rahmani, faisant allusion aux sorties médiatique du recteur.
De l'avis du syndicaliste, le recteur devait agir en tant que pédagogue, pas en tant qu'administrateur. «L'administration n'a aucun droit d'intervenir dans l'évaluation, sauf s'il a des irrégularités», insiste-t-il.
Pour sa part, M. Henni déclare que le problème d'évaluation posait problème depuis une dizaine d'années : «Lorsque j'étais doyen de la faculté des langues, c'était le premier problème pédagogique auquel je fus confronté.» Analysant le taux d'échec, le recteur souligne qu'«en tant qu'enseignant, lorsque le taux d'échec est très élevé, il faut examiner les programmes, la situation des étudiants et des enseignants».
A ce propos, le recteur affirme que les étudiants de Bouzaréah ont le même niveau que ceux des autres universités. «Pourquoi le problème d'évaluation ne se pose qu'à l'université de Bouzaréah ?», s'interroge le recteur, qui s'appuie sur les résultats du département d'anglais pour le système LMD. Il qualifie l'explication de l'échec par «le transfert des étudiants» qu'avancent certains enseignants d'«alibi». «Depuis mon arrivée, je n'ai pas autorisé les transferts. Mais le taux d'échec reste très élevé», révèle-t-il. Le taux d'échec s'explique-t-il uniquement par le système d'évaluation ? «Le taux de réussite indique qu'il y a quelque chose qui ne va pas. L'université souffre de sa gestion», avance le coordinateur national du CNES, jugeant que «l'administration ne peut pas estimer une erreur dans la correction». «Qui sont-ils (les administrateurs) pour dire que l'évaluation n'est pas à la hauteur ?», s'interroge le syndicaliste, qui insiste sur le fait qu'il n'y a aucune loi qui impose le taux de réussite. Evoquant les 8% enregistrés lors des délibérations de la session de juin,
M. Rahmani soutient l'ouverture d'une enquête, mais avant la session de rattrapage et les délibérations finales. Le syndicaliste critique la démarche de l'enquête ministérielle enclenchée par l'administration. «S'il y avait eu une enquête, elle aurait débouché sur des résultats», analyse-t-il. Ce dernier considère les anomalies évoquées par le recteur dans le département d'anglais depuis 10 ans comme «une insulte à tous les responsables de l'université d'Alger qui étaient en poste durant cette période». Y a-t-il une issue pour la crise qui menace le devenir de cette université ?
«La situation est extrêmement difficile à régler», estime M. Rahmani. D'après son analyse, l'impact de cette crise dépassera les frontières algériennes. «C'est le principe de la mobilité du système LMD qui va être compromis lorsqu'on apprend que le recteur décide de racheter les étudiants», précise-t-il. Le coordinateur national s'est inquiété surtout pour l'image de l'université algérienne, qui tente de se repositionner dans le classement mondial. «Les instances internationales sont en train d'observer l'Algérie. Les résultats qui découlent de cette crise portent atteinte à l'image de l'Algérie», regrette-t-il, déplorant surtout l'attitude de l'administration. D'après ses dires, cette dernière a contribué doublement à piétiner l'image de l'université algérienne.
«Nous apprenons des dissertations par cœur»
Jusqu'au 6 mars de l'année en cours, les étudiants affichés «admis» suite à la double correction ne sont toujours pas inscrits. Ils attendent toujours leurs relevés de notes. «D'ici dimanche 11 mars, s'il n'y a pas reprise des cours, nous allons tenir un sit-in devant le ministère de l'Enseignement supérieur», propose Abderezak Adjadj, qui se dit délégué général de l'université d'Alger II. Ce dernier a envoyé une correspondance au ministère de l'Enseignement supérieur et aux différences structures administratives de l'université d'Alger II pour exiger la reprise des cours. Il a été prévu également l'envoi de copies aux médias et aux services de sécurité.
Le conflit s'enlise. Pourquoi les étudiants ont-ils attendu les délibérations finales pour contester le mode d'évaluation ? «Nous avions peur des représailles. Nos enseignants nous ont maltraités durant des années.». Les étudiants qui étaient autrefois à l'avant-garde de la société sont devenus peureux. D'après leurs dires, l'esprit critique est complètement absent dans leurs écrits. «Nous sommes contraints d'apprendre par cœur des dissertations. Les étudiants courent dernière les notes. C'est la seule méthode qui nous a permis d'éviter les notes éliminatoires», avoue Sallaheddine Nouari, qui se présente en tant que délégué général du département d'anglais. Une étudiante reconnaît qu'il y a des étudiants qui n'ont pas le niveau requis, mais elle insiste sur l'attitude des enseignants qu'elle estime «exagérée», notamment en ce qui concerne l'évaluation.
«La double correction est assurée par des maîtres de conférences»
M. Henni, recteur de l'université d'Alger II, affirme que les correcteurs sont «tous des maîtres de conférences et des professeurs» sans pour autant donner de détails sur leur identité. M. Henni revient sur les circonstances de la double correction de 1255 copies, accusant l'administration du département d'être à l'origine du conflit. «Il a eu un conflit étudiants/administration. Les étudiants ont déclaré que l'administration de leur département avait refusé le dialogue. Il n'y a même pas de corrigé-type et pas de barème», a expliqué le recteur. «Qu'ils commencent eux-mêmes à respecter les textes», a-t-il lancé aux enseignants qui l'accusent de transgresser les textes en vigueur. M. Henni se demande pourquoi le rectorat est à maintes reprises cité dans ce conflit alors que c'est le décanat qui est le premier concerné.
Au sujet de la souveraineté du jury, reconnu par la loi, le recteur estime que le jury est, certes, souverain «mais dans la légalité». De plus, «recourir à une évaluation externe donne plus de crédibilité à l'administration et aux enseignants», considère le premier responsable de l'université d'Alger II. D'après lui, le doyen a essayé de trouver une solution interne, mais cela n'a pas abouti. Le texte de loi concernant la double correction ne précise pas si le correcteur doit être du même département au pas. Il déclare avoir agi en tant que président du conseil scientifique, insistant sur le fait que le passage à l'année supérieure avec une moyenne de 9,20/20 n'a été qu'une proposition. Néanmoins, la décision du 27 novembre 2011, envoyée aux chefs du département pour les informer des propositions du conseil scientifique, a été signée par M. Henni en tant que recteur et non pas en tant que président du conseil scientifique. Idem pour l'instruction adressée au chef du département d'anglais le 13 novembre 2011. Dans cette note, le recteur a demandé l'application administrative des mesures prises par le conseil scientifique. «Ce qui s'est passé est dans la légalité», juge le recteur s'appuyant sur l'article 20 du décret exécutif n°03-279 portant sur les prérogative du conseil scientifique.
D'après ce décret, le conseil scientifique a le droit de donner son avis sur des problèmes pédagogiques. Mais a-t-il le droit de racheter des étudiants ? «C'est la commission du jury qui décide du rachat», affirme Malik Rahmani. Ce dernier se demande «si ce scénario monté de toutes pièces ne profiterait pas aux fils des personnes influentes»…


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