Le directeur du Soir d'Algérie, Fouad Boughanem, a été condamné, en deuxième instance, à une année de prison avec sursis, assortie de 50 000 DA d'amende et de 500 000 DA de dommages et intérêts. La cour d'appel d'Oran a confirmé, lundi dernier, le jugement prononcé en première instance, le 19 octobre 2004, commuant néanmoins la peine de prison, qui était d'un an de prison ferme. L'affaire est liée à une information donnée le 28 mars 2004 dans la page « Periscoop » du journal et selon laquelle le président de la Société de gestion des participations (SGP) de l'Ouest aurait instruit les responsables des deux unités industrielles publiques implantées dans la région, à savoir PMA et ENIE, d'offrir une semaine de congé payé à l'ensemble des travailleurs et de mettre à leur disposition des bus pour accueillir le président de la République, alors en campagne électorale dans la région pour la présidentielle d'avril 2004. Une partie de cette information a été jugée « erronée » par le président de la SGP de l'Ouest, Abdelsadouk Abdelkader. Car d'après lui, ces deux unités industrielles ne dépendaient pas de la SGP. Non convaincue de la décision de la cour d'appel d'Oran, la défense a décidé de se pourvoir en cassation. Me Khaled Bourayou, avocat de la défense, a relevé des contradictions dans cette affaire. D'abord, dans l'arrêt de la cour d'appel, tombé le 8 février dernier et qui confirmait le jugement, il est souligné que Fouad Boughanem était présent au procès en appel intenté par la partie civile, or il était absent, comme l'a attesté son avocat. Aussi, Me Bourayou dit n'avoir pas compris comment la cour d'appel condamne son mandant pour « information erronée » à un an de prison avec sursis. « Je ne comprends pas sur quelle base juridique cette peine a été décidée, de surcroît par la cour d'appel, censée réexaminer les faits en vue de réparer d'éventuelles erreurs qui auraient été commises lors du jugement en première instance », s'est-il demandé avant d'ajouter qu'il s'agit d'« une peine qui n'est nullement prévue par la loi ». Selon lui, dans ce genre d'affaires, la peine ne devra pas dépasser six mois de prison. Pour étayer ses propos, il cite l'article 298 du code pénal qui stipule dans son premier paragraphe : « Toute diffamation commise envers les particuliers est punie d'un emprisonnement de cinq jours à six mois et d'une amende de 150 à 1500 DA ou de l'une de ces deux peines seulement. » Le Syndicat national des journalistes (SNJ) a dénoncé cette « mesure coercitive » et « condamnation de trop ». Contacté hier, Rabah Abdellah, secrétaire général de ce syndicat, a appelé à « la cessation immédiate des poursuites judiciaires pour délit de presse contre les journalistes ». Il a, en outre, exigé « la libération immédiate des confrères emprisonnés ». Pour lui, « la peine prononcée à l'encontre de Fouad Boughanem renseigne, si besoin est, sur l'option liberticide résolument prise par le Pouvoir et sur laquelle il ne semble pas disposer à revenir. Aussi, il est urgent que s'organise une riposte solidaire la plus large possible. » Pour rappel, plusieurs journalistes se trouvent actuellement en prison. Certains sont en détention provisoire. Il s'agit en effet des directeurs des hebdomadaires Panorama et Essafir, qui ont été mis sous mandat de dépôt pour avoir reproduit les caricatures blasphématoires du Prophète, publiées pour la première fois par un quotidien danois. Le directeur de Panorama est déjà passé devant la chambre d'accusation, tandis que celui d'Essafir comparaîtra la semaine prochaine. L'enquête judiciaire se poursuit. Le Comité de protection des journalistes, une ONG internationale basée à New York, a condamné fermement l'emprisonnement de ces deux journalistes ainsi que trois autres journalistes yéménites pour avoir (re)publié les caricatures du Prophète. Il est à rappeler qu'une vingtaine de journalistes risquent la prison après avoir été condamnés à des peines de prison ferme en première instance. Peines qui risquent de se confirmer en deuxième instance.