Les amoureux viennent humer l'air frais avec le Nil comme décor. Les couples s'observent, s'effleurent en laissant planer le doute. Ils rient en cultivant l'ambiguïté et l'incertitude. Certains marchent en se tenant timidement par la main. D'autres marquent un pause et préfèrent écouter le langage des yeux. En Egypte, la Saint-Valentin est l'occasion de faire aussi des affaires. Les magasins ornent leurs devantures pour inciter à l'achat de petits cadeaux qui entretiennent la flamme. Même l'aéroport international du Caire a planté ce décor avec des petits cœurs rouges un peu partout. L'Egypte soigne son image touristique. Au marché populaire Khan El Khalili, la fièvre s'est emparée de tout le monde. Une foule affairée et bruyante déborde de la rue principale. On y rencontre intimement mêlés les Cairotes en tchador ou en djellaba et les touristes sous leur chapeau de soleil. Des jeunes transportent à bout de bras des plateaux de bois chargés de petits-pains. Une femme d'un certain âge pousse une charrette chargée de fruits et se fraie bruyamment un passage à travers la foule. C'est vivant, gai et coloré. Une ruelle conduit au café Fichaoui, lieu de rencontre au début du siècle dernier des écrivains et intellectuels. Naguib Mahfouz en avait fait son quartier général. Le prix Nobel a même écrit un livre sur ce quartier en 1946 intitulé Le cortège des vivants. L'un des premiers romans de toute la littérature arabe où le lecteur trouve des espaces typiques du vieux Caire avec l'escalier, les terrasses où se cherchent les mots et les gestes de l'amour. Après la victoire de l'équipe nationale de football d'Egypte, les drapeaux ont été hissés très haut. Les bus déversent les touristes par centaines. Les vendeurs interpellent les passants pour les convaincre d'acheter des souvenirs dont la pipe à eau (narguilé), les pyramides en miniature et des assiettes et tasses décoratives. Le Caire, ce sont plus de 18 millions d'habitants, de la poussière, de la pollution, du bruit, des gens qui courent dans tous les sens, des coups de klaxon ininterrompus, des taxis intrépides et des bus fous. Notre guide ne perd pas son latin pour autant et explique cela par « baraket Rabina » (bénédiction de Dieu). Le Caire est une ville tiraillée entre le désir d'affirmation identitaire et celui de la modernité. Une ville qui ne dort jamais. L'extrême pauvreté côtoie l'opulence.