Le vol de véhicules prend des proportions alarmantes en Algérie. Les statistiques de la Gendarmerie nationale (GN) sont révélatrices de la progression inquiétante de ce phénomène. Ainsi, il est fait état de 6962 véhicules volés durant la période 2000-2011, selon une récente étude analytique réalisée par les services de la GN. La lutte contre ce trafic a permis l'arrestation de 3501 personnes. Les enquêtes diligentées par les unités de la Gendarmerie nationale démontrent une hausse sensible dans le nombre de véhicules volés d'année en année, notamment de 2000 à 2003, pour baisser durant les années 2004 et 2005, la hausse reprend de 2006 à 2008. La moyenne la plus faible a été enregistrée en 2009 avec 190 vols, alors que l'année 2010 a connu une hausse avec 815 affaires où 640 personnes ont été arrêtées ; en 2011, 1385 affaires ont été traitées et 503 personnes impliquées ont été arrêtées. Nous déduisons, à travers l'analyse de ces données, que la moyenne de vol de véhicules en Algérie a augmenté en 2011 par rapport à 2010 de 69,94%», écrit la GN dans son étude, qui révèle que 569 véhicules ont été récupérés en 2010 ; ce nombre a augmenté en 2011 pour atteindre 673 véhicules. Concernant la cartographie du phénomène, les grandes villes sont le terrain d'action privilégié des réseaux de vol et trafic de véhicules. Oran, Alger, Tizi Ouzou, Ouargla et Constantine sont les cinq wilayas les plus touchées par ce fléau. Les trafiquants usent de plusieurs subterfuges : agression, vol en stationnement avec usage d'armes blanches, piège en utilisant une jeune fille et escroquerie des sociétés d'assurance. Les trafiquants se rabattent essentiellement sur les véhicules anciens et accidentés, ceux provenant de la contrebande ou volés à l'étranger et introduits avec de faux documents et les véhicules volés à l'intérieur du pays. Le but étant généralement de les «désosser» dans des ateliers clandestins pour écouler la pièce détachée ou falsifier les documents d'origine puis les revendre. Selon l'étude en question, la criminalité organisée est derrière la hausse du trafic de véhicules. Pour réduire cette forme de criminalité organisée, désormais les marchés de vente de véhicules, les casses et les ventes de clés seront strictement passés au peigne fin. Sociétés d'assurance pénalisées Le phénomène de vol de véhicules est devenu par ailleurs une source de préoccupation pour les compagnies d'assurances. «C'est vrai, depuis une bonne trentaine d'années, le vol de véhicules est devenu récurrent. Si les vols sont moins fréquents depuis deux ans par rapport aux années antérieures, ils ont toutefois causé des pertes financières aux compagnies d'assurances», reconnaît Lamara Latrous, président de l'Union des sociétés d'assurances et de réassurance (UAR). Bus de transport, camions, voitures de particuliers, rien ne résiste à la boulimie des trafiquants. «Ce sont des centaines de voitures qui ont été volées entre 1990 et 2010», avance notre interlocuteur. Pour autant, ce dernier ne dispose pas de statistiques quant au coût induit par ce trafic sur le secteur des assurances. Si le phénomène du vol de véhicules touche la plupart des régions du pays, la Kabylie, selon lui, en souffre davantage. «Dans certaines régions, nous avons constaté énormément de vols de véhicules par rapport à d'autres. C'est le cas notamment en Kabylie», dit-il. Faux sinistres et «flibustiers» Face à ce fléau, les compagnies d'assurances font appel à l'Agence de lutte contre la fraude à l'assurance (ALFA) qui s'occupe d'enquêter sur les faux sinistres. «Ce que les compagnies se proposent de faire est de charger l'ALFA de s'assurer que les véhicules volés et indemnisés ont été retrouvés», explique le président de l'UAR. En concertation avec les services de la GN et de la DGSN, cette agence se donne pour objectif de lutter contre ce qu'il qualifie de «flibustiers». «D'anciens officiers de la gendarmerie au sein de l'ALFA enquêtent et découvrent malheureusement que des assurés indélicats essayent de tirer de l'assurance une indemnité à laquelle ils ne devaient pas prétendre», déplore-t-il. Sur une dizaine d'années, la Société algérienne d'assurance (SAA), que dirige également M. Latrous, a économisé plus de 500 millions de dinars au titre de faux sinistres. Le PDG d'Alliance Assurance, Hassen Khelifati, chiffres à l'appui, se plaint également de la recrudescence du phénomène. Cet assureur privé a enregistré une augmentation de 60% des sinistres de vol de voitures en 2011 par rapport à l'année 2010, passant de 370 sinistres déclarés en vol à 600. «Nous avons traité 2600 dossiers ces cinq dernières années», ajoute-t-il. En 2011, sa compagnie a enregistré plus de 300 millions de dinars de pertes financières ; un chiffre provisoire, selon lui, qui risque d'augmenter avec le traitement des dossiers en suspens. Le taux de récupération avant les délais de recherches infructueuses, qui varie entre 10 et 15%, demeure «minime». «La plupart des véhicules récupérés sont ceux dotés de système GPS», détaille-t-il. Sur les 20 dossiers soumis à l'expertise d'ALFA, 16 d'entre eux se sont révélés frauduleux, dont 3 sont liés au vol de véhicules. «La procédure consiste à résilier le contrat, engager des poursuites judiciaires contre les fraudeurs et vérifier s'il n'y a pas de complicité dans la chaîne de l'expertise», souligne-t-il. Le patron d'Alliance Assurance plaide pour une concertation entre professionnels afin de trouver la parade. «Peut-être mettre en place un système de géolocalisation intégré», préconise M. Khelifati, ce qui serait de nature à repérer aisément les véhicules subtilisés. Interrogé par ailleurs sur la procédure d'indemnisation des assurés, le président de l'UAR reconnaît implicitement l'existence de retards qu'il impute à la nature de la procédure. Il rappelle que le client victime de vol doit d'abord déposer une plainte auprès de la gendarmerie ou de la police, fournir le récépissé de la plainte et produire une attestation de recherche infructueuse délivrée par le parquet. «Généralement, ces recherches infructueuses ne sont confirmées par le parquet que plusieurs mois après le vol, souvent dans les six mois», dit-il. Le client est remboursé immédiatement par sa compagnie d'assurances, une fois ces documents fournis et l'expert ayant déterminé le montant de l'indemnisation du véhicule, selon M. Latrous. «Rares sont les dossiers qui traînent au-delà de six mois», insiste le président de l'UAR, soulignant que les primes collectées par les compagnies d'assurances au titre de l'assurance vol de véhicules couvrent largement les montants des remboursements effectués au titre des vols déclarés. En matière d'indemnisation, les compagnies d'assurances ont consacré 36 milliards de dinars en 2010 au titre du règlement des sinistres, dont 27 millions de dinars pour la branche automobile.