Alors que les USA et l'Union européenne peinent à relancer leur économie menacée de récession, le groupe des pays du Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) exhibe ses atouts qui lui permettront de devenir, d'ici l'an 2050, la nouvelle locomotive du monde. Les puissances émergentes qui abritent la moitié de la population du monde ne comptent plus faire profil bas devant les pays industrialisés qui continuent à dicter au reste du monde les règles d'une économie globale qui a montré ses limites. S'étant épargné, pour l'instant, une faillite imminente en étouffant leurs populations sous le poids insoutenable des prélèvements fiscaux et en appliquant drastiquement des mesures d'austérité qui bloquent la relance de la consommation, les gouvernements du Nord ont perdu toute crédibilité aux yeux des pays pauvres. L'alternative représentée par des pays, certes riches de part leurs populations et ressources, mais comptant néanmoins des millions de pauvres (Inde, Chine, Brésil…), fait son chemin et convainc de plus en plus les analystes. Le quatrième sommet du Brics, qui s'est clôturé hier dans la capitale indienne, a permis aux participants – l'Afrique du Sud étant à sa première présence au sein du groupe comme membre à part entière – d'accorder leurs violons pour parler d'une seule voix au sein des organisations internationales, comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l'Organisation mondiale pour le commerce et le Groupe des 20. Mais ce groupe compte aussi défier l'embargo économique américain et européen imposé à l'Iran, puisque les participants à la rencontre ont décidé d'intensifier leur partenariat avec Téhéran, qui approvisionne l'Inde et la Chine en pétrole. Et pour s'affranchir de la dépendance d'institutions financières internationales, comme la Banque mondiale ou le FMI, les cinq leaders ont réitéré, dans la déclaration finale, la volonté du Brics de créer une Banque de développement qui aura pour mission de financer les projets d'infrastructures importantes et d'accorder des crédits aux pays pauvres de la région. En outre, les pays participants ont convenu d'augmenter le volume de leurs échanges commerciaux pour le hisser de 280 milliards de dollars à 500 milliards d'ici 2015. L'Inde et la Russie se sont engagés à employer, d'ici trois ans, leur propre monnaie pour couvrir les opérations commerciales bilatérales afin d'éviter de dépendre de la valeur du dollar américain. Et pour la première fois, les nations du Brics ont consacré une partie de leur réunion pour débattre des questions de politique internationale. Droit de veto La situation en Syrie a été l'occasion pour les deux puissances, qui disposent du droit de veto au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, Chine et Russie, d'invoquer «l'inviolabilité de la souveraineté des pays» entraînant les autres pays du Brics à rejeter «toute proposition d'intervention militaire» contre le régime sanguinaire de Bachar El Assad engagé dans une répression barbare contre son peuple. Il faut dire que le Brics abrite trois démocraties et deux pouvoirs autoritaires, représentés, lors du sommet par Dmitri Medvedev (le nouvel ancien président Vladimir Poutine prendra officiellement ses fonctions en mai prochain) et le président chinois Hu Jintao. Ce dernier a eu un accueil macabre à New Delhi, le jour de son arrivée. Un jeune manifestant tibétain, qui s'était immolé par le feu durant un sit-in de protestation devant le Parlement indien, a succombé, mercredi, à ses brûlures. Des centaines de ces concitoyens résidant en Inde ont poursuivi leur manifestation contre la visite du leader chinois, symbole pour eux de la répression contre leur communauté et de l'occupation par la Chine de leur territoire. Inquiètes face à la détermination des activistes tibétains, les autorités indiennes ont déployé un dispositif sécuritaire impressionnant, avec plus de 5000 agents mobilisés pour le bon déroulement de l'événement, et plusieurs quartiers, ceux où se trouvent l'ambassade de Chine et l'hôtel où a séjourné Jintao, ont été bouclés. La police de Delhi a même été dotée de couvertures imbibées d'eau pour venir au secours d'éventuels candidats à l'immolation.