Alger a refusé, hier, le transfert de la dépouille de Mohamed Merah en Algérie. Sa famille, dans les environs de Médéa, est partagée entre fatalisme et déception. Pendant qu'en France, les politiques ravivent la polémique. Au bout d'un chemin boueux, le cimetière Sidi Yahia est balayé par un vent glacial et par la déception. Ce matin, la famille de Mohamed Merah a appris – par la télé – qu'il n'y aurait pas de dernier voyage pour la dépouille de celui qu'on appelle en France «le tueur de Toulouse». Alger ayant décidé hier matin de ne pas autoriser son transfert. «Nous ne comprenons pas cette décision, affirme Mehdi, un parent qui vient d'arriver de la banlieue de la capitale après deux heures de route et après avoir lu dans les journaux que le corps devait arriver l'après midi même. Au-delà de tout ce qui s'est passé d'atroce à Toulouse, Mohamed a le droit d'être enterré ici, au milieu des siens.» Sur cette terre de cailloux, dans le cimetière de Oued Bezzaz, où la municipalité de Souagui avait déjà préparé le sol, près de la tombe du grand-père. Un espace dégagé entre les tombes est le dernier témoin du mausolée de Sidi Yahia, détruit par un attentat terroriste dans les années 1990. «Voilà notre véritable famille», montre Mehdi, en désignant quelques pierres perdues au milieu des trèfles en fleur et des pissenlits.
«DE QUOI ILS ONT PEUR ?» Au loin, on aperçoit Oued Bezzaz, le hameau natal des Merah, près de Souaghi, à 200 km au sud d'Alger. Entre les troupeaux de moutons et les ânes, un cousin s'énerve : «Nous, on le connaît bien, Mohamed. Jamais il n'est parti en Afghanistan !» Pour tout le monde, cette inhumation si médiatisée aurait été un événement. Les forces de l'ordre, sur le qui-vive depuis plusieurs jours, soufflent un bon coup. «C'est un soulagement, avoue un officier des services de sécurité de Souaghi. Vous imaginez un attroupement non contrôlé lors des funérailles ?» C'est le discours qu'aime aussi développer Ahmed Mehdi, le président de la petite APC. «Vous savez, les gens sont au courant de tout ce qui se passe grâce à la télé, constate-t-il sans cacher sa satisfaction. L'idée que Merah soit inhumé ici faisait grincer des dents…» Hamad, un autre proche, conteste : «Ici, il n'y a que des gens tranquilles, assure Mehdi. Ce devait être un enterrement simple et discret avec sa famille.»
«PAS LE CHOIX» Dans la gadoue qui semble engloutir les maisons de briques, un jeune cousin, calme ses nerfs sur la fermeture éclair de son blouson. «On nous parle de sécurité, mais de quoi ils ont peur ? On est desgens bien. On demandait juste à enterrer Mohamed avec ses aïeux…» A Beni Slimane, à une trentaine de kilomètres de là, Djamel Aziri, l'oncle maternel de Mohamed Merah, ne veut pas entendre parler de cet argument sécuritaire tout en reconnaissant, fataliste : «Nous n'avons pas le choix, nous respectons cette décision.» Près de lui, Maarouf Alal, un cousin éloigné, ne peut s'empêcher de parler de celui qu'il a accueilli lors de ses vacances en Algérie. «Mohamed était un garçon cultivé, gentil. Il faisait sa prière, il lisait le Coran mais il n'avait rien d'un extrémiste, raconte-t-il. Il aimait les enfants. A tel point que quand il venait chez nous, il ne supportait pas qu'on leur crie dessus. Il reste un fils de l'Algérie et méritait d'être enterré sur sa terre… Même si la terre de Dieu est vaste.»