Considérant les nouvelles mesures récemment prises par leurs partenaires, armateurs étrangers, les importateurs et exportateurs nationaux risquent de se retrouver au cœur d'une sévère trombe marine. Après le paiement d'avance et en monnaie forte du coût de fret auquel ils sont tenus de se conformer à compter du 15 avril 2012, les opérateurs économiques dont les activités sont étroitement liées au marché extérieur, à l'import et/ou à l'export, devraient faire face à une autre contrainte et non des moindres : le délais de franchise inhérent à la restitution des containers. La période de grâce –entre débarquement et restitution du container– vient d'être limitée à seulement 7 jours après avoir été de 21 jours et parfois un mois. Cette exigence concerne aussi bien les containers standard/High Cube ou les équipements spéciaux (Open Top, Flat, Tank, plateforme). Passé ce délai de 7 jours, des frais de surestaries sont imposés à l'importateur : 12 dollars/jour pour le 1 EVP (équivalent 20 pieds), 24 dollars/j pour les 2 EVP, et ce, du 8ème au 15ème jour. A partir du 16ème jour, c'est le double qui sera appliqué, soit, 24 et 48 USD/j pour, respectivement, les 20' et 40'. En termes relatifs mais concernant, cette foi-ci, les équipements spéciaux, 16 et 32 USD/j sont désormais exigés, du 8ème au 15ème jour, des Algériens au cas où ils dépasseraient le délai de franchise, 30 et 60 dollars à partir du 16ème jour. Outre la réduction du délai de grâce, 3 au lieu de 5 à 7 jours, auparavant accordés, la note sera davantage salée pour les Reefers (containers Frigos) : 50 et 100 dollars pour les 20'et 40', du 4ème au 15ème jour, et respectivement le double à partir du 16ème jour. Le bal, en la matière, étant ouvert, par l'armement suisse Mediterranean Shipping Company (MSC), numéro 2 mondial du transport maritime conteneurisé, derrière le danois Maersk Line. Avec le français Compagnie Maritime d'Affrètement-Compagnie Générale Maritime (CMA-CGM) -3ème armateur mondial- les trois mastodontes contrôlent la quasi-totalité du marché du fret algérien. Pour preuve : Elles se sont taillé la part du lion sur les 12 milliards de dollars, facture dont s'est acquitté notre pays pour les besoins du transport de l'équivalent de près de 50 milliards de dollars de produits importés en 2011 (El Watan du 5 avril 2012). Les réactions à la révision à la baisse de la franchise, celle à la hausse des tarifs surestaries ne se sont pas fait attendre. Les pouvoirs publics interpellés « Les pouvoirs publics doivent intervenir pour mettre un terme aux diktat des compagnies étrangères de transport maritime. Prendre à leur guise des décisions d'une telle portée, ne peut être tolérable. Il s'agit de nos devises qu'elles sont en train de subtiliser de manière licite. 7 et 3 jours pour restituer le container, c'est de l'aberration d'autant que, présentes en Algérie depuis plus d'une dizaine d'années, ces compagnies connaissent fort bien le caractère outrancièrement paperassier, procédurier et bureaucratique de l'administration algérienne», s'insurge Ghoulem Djedid, vice-président pour la région Est de l'Union Nationale des Transitaires et Commissionnaires en douane Algériens (UNTCA), une organisation forte de quelque 1 200 membres. Pour lui, si la révision à la baisse du délai de franchise et l'augmentation des tarifs surestaries ne concernent pour l'instant que MSC, elles devraient irréversiblement s'étendre au reste car, précise t-il, la collégialité est un principe auquel les leaders mondiaux du fret maritime tiennent beaucoup lorsqu'il s'agit de prise de décision. « Il est regrettable que le fret soit sous l'emprise de cette poignée d'intervenants étrangers. En l'absence de concurrents nationaux, ils ont toute la latitude d'agir en maîtres des maîtres et seigneurs des seigneurs », déplore M Djedid, soulignant au passage qu' « avec une moyenne de 2 900 déclarations d'importation par trimestre et des centaines de containers/jour, rien qu'au port de Annaba, le calcul peut aisément être fait pour évaluer les sommes en devises (surestaries) qui passent par les comptes escales pour atterrir ailleurs. Vu les nouveaux tarifs et les délais désormais impartis, avec des milliers de containers appartenant à ces firmes étrangères et à tant d'autres en souffrance dans les enceintes portuaires et facturés à la journée, c'est une nouvelle saignée qui sera administrée à notre économie. Les surestaries sont une forme de tonneau des danaïdes où s'engloutissent les efforts de tous les intervenants, douanes, transitaires, consignataires, administrations portuaires, etc.», renchérit le représentant de l'UNTCA. Interrogé sur la légitimité au plan juridique de la prise de mesure de manière unilatérale par l'armateur, Djamel Abbaci, assureur-conseil et spécialiste en affaires maritimes, estime pour sa part que « le transporteur maritime intervient suite à la conclusion d'un contrat de transport. Les conditions d'embarquement, de trajet de débarquement et de remise des containers sont en principe négociées entre les parties au contrat. Il ne peut dans ces conditions imposer quoi que ce soit. Le contrat est avant tout un accord de volontés des différentes parties. Je pense que les importateurs algériens se trouvent coincés par l'abus de positions dominantes des transporteurs internationaux. Nos opérateurs économiques peuvent engager une action devant les tribunaux internationaux s'ils s'estiment lésés ou risquant d'être lésés».