Sur le terrain, rien ne semblait toutefois présager, hier, d'un possible arrêt des violences. C'est aujourd'hui, jeudi 12 avril, que prend fin l'ultimatum accordé par l'ONU et la Ligue arabe au régime syrien pour arrêter ses opérations militaires contre la rébellion armée et retirer ses unités des centres urbains. Sur le terrain, rien ne semblait toutefois présager, hier, d'un possible arrêt des violences tant les combats entre l'armée syrienne et les rebelles se sont poursuivis dans de nombreuses localités du pays avec une rare violence et durant pratiquement toute la journée. Engagées dans une sorte de course contre la montre, les troupes syriennes ont donné l'impression de vouloir reprendre le maximum de terrain perdu avant de s'engager dans l'application du Plan Annan. Depuis plus d'une année, Damas réprime dans le sang la contestation populaire qui s'est militarisée au fil des semaines. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), structure gérée par l'opposition à partir de Londres, a affirmé que les troupes de Bachar Al Assad ont mené des opérations de grande envergure à la périphérie de plusieurs villes. Bilan de l'offensive : au moins onze civils tués et des dizaines de blessés. D'après la même source, de nouveaux bombardements, notamment aux obus de mortier, ont ciblé plusieurs quartiers de Homs (centre) où trois civils ont été tués par des tirs. Deux autres civils sont ainsi morts dans la province de Deir Ezzor (est) lors de perquisitions des forces régulières, a ajouté l'ONG. Trois civils ont été également tués et des dizaines d'autres blessés au cours d'opérations de l'armée dans la province de Damas. Selon encore l'OSDH, les forces de sécurité ont mené des perquisitions et des arrestations dans le quartier de Barzé, dans la capitale. Dans la région de Lattaquié (nord-ouest), plusieurs localités de Jabal Al Akrad (montagne des Kurdes) où de nombreux déserteurs et opposants ont trouvé refuge, étaient pilonnées et des hélicoptères la survolaient, empêchant la fuite des habitants. Dans le sud, les forces gouvernementales, appuyées par des dizaines de transports de troupes blindés, se sont déployées à Maarba, dans la province de Deraa, berceau de la contestation, au milieu de tirs nourris. En l'absence de sources indépendantes, il était cependant difficile de juger de la fiabilité des faits rapportés ou du décompte macabre tenu par l'opposition syrienne. «Une militarisation du conflit serait désastreuse» Violemment critiqué mardi par de nombreux membres du Conseil de sécurité pour sa versatilité et le non-respect de ses engagements, le régime de Damas a envoyé, hier, une lettre à l'émissaire international Kofi Annan dans laquelle il a annoncé l'arrêt des combats militaires sur tout le territoire syrien jeudi 12 avril à partir de 6h heure locale, soit 3h GMT. La lettre reçue par M. Annan a émané du ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem. Damas a dit néanmoins se réserver «le droit de réagir de manière proportionnée à toutes les attaques menées par des groupes terroristes armés contre les civils, les forces gouvernementales ou des biens publics et privés». Visiblement optimiste quant au succès de son plan, Kofi Annan a déclaré hier, lors d'une conférence de presse à Téhéran, animée conjointement avec le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi : «Si tout le monde respecte (le plan pour l'arrêt des combats), je pense qu'à partir de 6h (heure de Damas, 3h GMT) le jeudi 12 avril, nous devrions voir une nette amélioration de la situation sur le terrain.» La fin des violences constitue le deuxième des six points du Plan Annan qui a été accepté le 2 avril par la Syrie et entériné par le Conseil de sécurité de l'ONU le 5 avril. Ce plan accepté aux forceps autant par Damas que par l'opposition constitue la dernière chance pour la Syrie avant que le pays ne bascule durablement dans la guerre civile. Pour justement donner toutes ses chances au processus de paix de réussir, le porte-parole de Kofi Annan, Ahmad Fawzi, a assuré que l'ONU «continuera à travailler avec le gouvernement syrien et l'opposition afin d'assurer la mise en œuvre complète du plan en six points, y compris le plein respect de l'article 2 du plan». A ce propos, M. Fawzi a souligné que M. Annan «compte sur le soutien continu des pays concernés à cet égard». L'appel en question semble s'adresser surtout au Qatar, à l'Arabie Saoudite et à la Turquie qui ont donné l'impression, ces dernières semaines, de n'être pas très chauds à l'idée de donner une chance à Damas. Tout ce beau monde a d'ailleurs souvent laissé montrer des signes qu'il avait à cœur de torpiller la feuille de route onusienne… par rebelles interposés. L'idée s'est notamment vérifiée lorsque Riyad et Doha ont soutenu fortement le projet d'envoyer davantage d'armes à l'opposition. A ce propos, Kofi Annan a averti une nouvelle fois, hier à Téhéran, qu'une militarisation du conflit en Syrie serait «désastreuse». Voilà donc que tout le monde est averti. Quoi qu'il en soit, la journée d'aujourd'hui sera certainement révélatrice des intentions des uns et des autres.