La grève à laquelle a appelé la Coordination intersyndicale des travailleurs de l'éducation (CITE) est qualifiée par les représentants des cinq syndicats formant cette structure de « réussite inégalée ». Selon eux, le mouvement de débrayage a été largement suivi au niveau des trois paliers et à travers toutes les wilayas du pays, y compris celles de l'extrême Sud. « Le taux de suivi de la grève a atteint un niveau inattendu. Nous sommes surpris. Mais il faut savoir que la mobilisation des enseignants est due, en partie, au mépris affiché par M. Benbouzid à leur égard (...) C'est donc une bonne réponse à son subterfuge », dira M. Lemdani du CNAPEST qui indiquera que le communiqué du ministère de l'Education lu, samedi dernier, dans le détail au journal télévisé de 20h a énormément contribué à ce sursaut. « Il y a eu un sursaut d'amour-propre. Le comportement du ministère nous a rendu un grand service, il a rassemblé les trois paliers. Les enseignants du primaire et du moyen ont adhéré pleinement à notre action. C'est une première. Il y a, aujourd'hui, une maturité syndicale, une prise de conscience et une solidarité incontournable entre les enseignants », explique un autre représentant d'un syndicat. De l'avis de M. Osmane du CLA, la grève était un raz-de-marée qui a touché tous les établissements scolaires en Algérie. « Hormis les contractuels, la majorité des enseignants n'a pas dispensé de cours. Tous les lycées de la capitale ont été touchés par le débrayage. Les établissements du secondaire, d'une manière générale, ont été paralysés à 100% », a-t-il affirmé. M. Osmane relèvera que les enseignants du primaire ont montré une combativité redoutable. Ils ont répondu favorablement à l'appel au débrayage et ceci est, de son avis, un nouvel indice qui démontre une fois de plus la profondeur du marasme. Selon la coordination, le taux de suivi a dépassé les 90% dans pratiquement toutes les wilayas et au niveau des trois paliers. Hier, les écoliers ont été renvoyés dès la première heure chez eux, certains directeurs d'établissements ont même demandé aux élèves de ne pas se rendre à l'école durant trois jours... Guerre des chiffres Par ailleurs, au ministère, c'est un autre son de cloche. Selon le conseiller à l'information, qui se réfère aux estimations recueillies auprès des directions de l'éducation des wilayas du pays, le taux de suivi de l'appel à la grève des enseignants, tous cycles confondus, n'était que de 24% au niveau national. De l'avis de notre interlocuteur, ce faible taux enregistré « dénote le degré de conscience et de responsabilité de la grande majorité des enseignants qui ont rejeté l'appel à la grève et ont normalement assuré leur enseignement ». Néanmoins, le département de M. Benbouzid réitère son appel à la sagesse et plus particulièrement à ceux « qui demeurent encore entraînés dans la logique de l'illégalité. Illégalité confirmée par voie judiciaire ». Par ailleurs, les représentants de la coordination s'interrogent quant à la stratégie de silence adoptée par M. Benbouzid. Une stratégie qui n'arrange nullement les choses. « Les pouvoirs publics sont-ils conscients qu'il y a un ras-le-bol généralisé au niveau du secteur de l'éducation ? Sont-ils conscients de la précarité qui touche les enseignants dans leur chair ? Les éducateurs cherchent un interlocuteur. Ils ne veulent plus d'un ministre qui les menace via des communiqués. Ils n'ont plus peur des intimidations parce qu'ils crient haut et fort leur misère », a indiqué un responsable d'un syndicat qui demande aux pouvoirs publics de prendre en considération le nouveau partenaire social, en l'occurrence la coordination intersyndicale, qui est un acteur important et non un diable. « Nous sommes des individus qui prônent le dialogue. Nous avons de sérieux problèmes et notre ultime recours aujourd'hui est le débrayage. Nous ne le faisons pas par gaieté de cœur, mais parce que nous n'avons pas le choix. Le ministre doit donc ouvrir les portes du dialogue et tenter de régler nos problèmes », a souligné un enseignant. Par ailleurs, le taux de suivi de la grève avancé par le ministère de l'Education est remis en cause par la coordination qui le qualifie d'un gros mensonge. « La réalité du terrain démontre le contraire et l'opinion publique n'est pas dupe. La grève a été massivement suivie. Un fait que la tutelle et les pouvoirs publics n'ont pas à occulter », dira un représentant d'un syndicat qui est persuadé que les enseignants qui étaient hésitants prendront part aujourd'hui au mouvement de contestation.