Le secrétaire général de l'ONU a mis les pieds dans le plat dans son rapport fumant, sans doute pas au goût du makhzen. Appréciez. C'est une évolution significative du dossier du Sahara occidental au sein des Nations unies : le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a avoué crûment que la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso) éprouvait des «difficultés» pour exercer ses missions, tout en faisant état de «rapports sur les violations des droits de l'homme des Sahraouis par les autorités marocaines». Une fois n'est pas coutume, le secrétaire général de l'ONU est sorti des sentiers battus en posant la problématique de l'efficacité du mandat de la Minurso face aux blocages marocains. Dans son dernier rapport sur le Sahara occidental qu'il a soumis au Conseil de sécurité, lequel devrait l'examiner mardi prochain avant l'adoption d'une résolution, Ban Ki-moon a en effet mis les pieds dans le plat : «J'ai présenté dans mon rapport une série de défis qui démontrent que la Minurso n'est ni dans la capacité d'exercer pleinement ses fonctions de surveillance de maintien de la paix et d'observation, ni ne dispose de toute l'autorité pour contrecarrer l'effritements.» Voilà qui impute clairement l'échec de la mission de la Minurso aux autorités marocaines, bien que cette mission «ne fourre pas son nez» dans les questions des droits de l'homme, comme le réclame le Front Polisario. Selon le rapport de Ban Ki-moon, non seulement la Minurso ne peut rien face aux violations des droits de l'homme dans les territoires occupés mais, pis encore, elle ne peut même pas «exercer pleinement ses fonctions de surveillance de maintien de la paix et d'observation». Ban Ki-moon s'en lave les mains Le rapport du secrétaire général de l'ONU a cité ainsi des rapports faisant état «d'usage excessif de la force, d'arrestations et de détentions arbitraires et d'extraction d'aveux sous la torture commis contre des Sahraouis par les forces marocaines». Des pratiques qui commandent en urgence l'élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance du respect des droits de l'homme. Or, le SG de l'ONU explique que la Minurso est dans l'impossibilité d'assumer sa mission. La preuve ? Dans son rapport, Ban Ki-moon a indiqué que dans les territoires sahraouis occupés, la neutralité des Nations unies «a été mise à mal par le Maroc» du fait que ce dernier exige que les véhicules de la Minurso «portent des plaques d'immatriculation diplomatique marocaines». Commentaire du SG de l'ONU : «Cette pratique ne respecte pas pleinement la neutralité des Nations unies (…). Idem pour le siège de la Minurso à El Ayoun qui, entouré de 21 drapeaux marocains, compromet la neutralité vis-à-vis du Front Polisario, de la population locale et de la communauté internationale.» Et au secrétaire général des Nations unies d'aboutir à une conclusion logique : «Cette situation a conduit, au fil du temps, à un effritement de l'autorité de la Minurso, à un affaiblissement de ses fonctions et à sa déviation des normes de maintien de la paix.» C'est incontestablement une opération de mise à nu à laquelle s'est livré Ban Ki-moon dans son rapport à l'endroit des autorités marocaines. Ne voulant manifestement pas cautionner un processus biaisé dès le départ, le SG de l'ONU voudrait ainsi s'en laver les mains et celles de son envoyé spécial, Christopher Ross, devant l'Assemblée générale des Nations unies. Pour lui, la solution passe inévitablement par le rétablissement de la «pleine autorité» de la Minurso. Pour ce faire, il a appelé le Conseil de sécurité à apporter son «appui» afin de soutenir cet instrument (la Minurso) de maintien de la paix «tel qu'il était prévu initialement pour la réalisation de trois objectifs cruciaux». Le Maroc, chef de file de la Minurso ! La Minurso est, d'après Ban Ki-moon, «un instrument de stabilité dans le cas où l'impasse politique continue, un mécanisme de mise en œuvre d'un référendum d'autodétermination dans le cas où les pourparlers dirigés par mon envoyé personnel sont couronnés de succès, et doit fournir au secrétariat de l'ONU, au Conseil de sécurité et à la communauté internationale des informations indépendantes sur les conditions prévalant dans les territoires sahraouis». La mission doit, selon lui, être capable de fonctionner comme un «arbitre neutre», et ce, conformément aux normes et standards attendus des opérations de maintien de la paix. Tel n'a pas été le cas jusque-là. «La Minurso, qui a échoué dans sa mission d'organiser et de superviser un référendum d'autodétermination du Sahara occidental», se limite à la «surveillance du cessez-le-feu». Tout en réitérant la nécessité de proroger le mandat de la Minurso de 12 mois, Ban Ki-moon a recommandé de renforcer les effectifs des observateurs militaires pour les porter à 243. Signalons qu'un projet de résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental a été élaboré par les «Amis du peuple sahraoui» avant d'être soumis aux autres pays membres du Conseil de sécurité pour adoption avant le 30 avril en cours.