L'accélération des événements dans le Sahel et la menace grandissante du terrorisme dans la région «nécessitent absolument un rapprochement entre le France et l'Algérie», a plaidé l'ancien patron des services français, Yves Bonnet, lors de son intervention dans le cadre d'un débat organisé, hier à l'hôtel El Aurassi (Alger), par le Centre international de recherche et d'études sur le terrorisme. Si d'emblée, il se dit opposé à toute forme d'ingérence en rappelant son opposition à l'intervention de l'OTAN en Libye, M. Bonnet estime que «le rapprochement entre l'Algérie et la France sur les menaces dans la région est une nécessité. Si les deux pays s'entendent sur ce que devraient être les choses dans la région, ce serait excellent». L'ancien patron de la DST n'a pas manqué, au passage, de décocher des flèches en direction de Washington : «Le terrorisme est devenu messianique, il a pris une forme religieuse née essentiellement au Pakistan et en Afghanistan, avec la main de la CIA, qui avait cru trouver une parade à l'Union soviétique.» Eric Denecé enchaîne dans le même ordre d'idées ; lui aussi ancien des services français, il défend la thèse selon laquelle les révolutions arabes «répondent à une vieille stratégie américaine. Les conditions de ces révolutions étaient réunies par Washington et, pour les Américains, il reste un domino qui n'est pas tombé : l'Algérie». La fameuse théorie «conspirationiste». Pour lui, il est absurde de se poser en donneur de leçon de démocratie «en s'alliant avec le Qatar et l'Arabie Saoudite, les pires extrémistes du Monde arabe». Et de plaider, lui aussi, pour l'urgence d'«une coopération étroite entre Alger et Paris sans laquelle aucune solution ne serait envisageable dans la région». Autres éléments de riposte que préconise Richard Labevière, journaliste et expert en terrorisme : «Préserver l'identité des Touareg et éviter que la région s'installe dans une militarisation durable. Et en lieu et place d'une intervention lourde, il faut plutôt solliciter le renseignement et favoriser des forces spéciales d'intervention rapide» pour la libération des otages. L'Algérie a «une grande responsabilité et il faut partager les moyens de riposte entre la France et l'Algérie», dit-il. Mais pour cela, «il y a nécessité de refonder les relations entre les deux pays», ajoute-t-il encore. Farouchement opposés au principe de l'ingérence, les intervenants font cependant un appel du pied à l'Algérie de privilégier la coopération avec la France. La présidente honoraire du Sénat belge, Anne-Marie Lizin, a mis l'accent, dans son intervention, sur l'urgence de faire libérer les otages algériens détenus au Mali et «surtout d'apporter un soutien fort à leurs familles».