Encore vivants, des membres fondateurs de l'UGTA ont voulu apporter ce témoignage à l'occasion de la commémoration du 50e anniversaire de la création de ce syndicat. Des souvenirs vivaces mais aussi un éclairage par rapport à la situation actuelle du pays. Abdelhamid Cheikh L'activité syndicale est ancrée dans la lutte des Algériens. D'ailleurs, 13 numéros de la publication L'Ouvrier algérien ont été confectionnés par les syndicalistes algériens en France. Les membres de l'UGTA s'adaptaient à chaque nouveau changement dans les données de la guerre de libération. Mohamed Chenaf Il faut savoir que l'UGTA a vu, durant la guerre de libération, quatre secrétariats nationaux qui se sont succédé. Chaque fois que le colonisateur français opérait des arrestations, la direction du syndicat renaissait. Dans la clandestinité et avec les membres de la délégation extérieure, l'UGTA avait une base active et très engagée. w Abdelhamid Sidali L'UGTA a réveillé l'idée nationaliste indépendantiste. Il faut dire que les associations culturelles, sportives et les scouts qui activaient en Algérie juste après la Seconde Guerre mondiale avaient un sentiment nationaliste, mais pas encore indépendantiste. Avant 1939, ce sont les traminots et les cheminots qui étaient puissants dans le syndicalisme. Bien sûr, il y avait les professions artisanales comme les restaurateurs, les boulangers, les coiffeurs, les épiciers qui activaient dans les rangs de la CGT. Tout un travail d'adhésion et d'organisation a pu être mené en 1949 pour aboutir à la commission syndicale. Ali Aroua L'UGTA était très à l'écoute de la base et travaillait, durant la guerre de libération, pour soutenir l'effort de la guerre avec les cotisations. Des membres du syndicat étaient aussi actifs pour transmettre un certain nombre d'informations utiles au FLN. Abdenour Ali Yahia Les responsables actuels de l'UGTA sont des cadres de la nation et non des syndicalistes. Car depuis sa création en 1956, ce syndicat a toujours été respecté par les responsables du FLN-ALN. Il faut préciser que nous n'avons pas fait une révolution mais une guerre de libération, car la première suppose le changement de l'ordre colonial par un autre ordre plus juste qui tient compte de la condition sociale des citoyens. Les Algériens ont été dépossédés de deux choses en 1962 : le pouvoir d'élire démocratiquement leurs représentants et le fait de jouir de leur pleine citoyenneté. Cela est d'autant plus vrai qu'en avril 1964, Ben Bella a dit texto : « L'UGTA a été créée pour la révolution et c'est donc une organisation qui va travailler pour la révolution ». A partir de là, le FLN a fait main basse sur le syndicat et toutes les autres organisations de masse. Pour l'autonomie de l'UGTA, il faut se rappeler ce qu'on a dit à Hannibal : « Vous avez gagné la guerre, mais vous n'avez pas pu profiter de la victoire. » En pleine guerre contre l'occupant, les responsables de l'UGTA n'ont jamais été des subordonnés du FLN. Ils discutaient franchement avec ses chefs. Pour revenir à l'actualité, la Constitution de 1989, comme celle de 1996, reconnaît bien le pluralisme syndical. Donc rien ne s'oppose à la création de syndicats autonomes, bien que le président de la République ait déclaré en février 2005 à la Maison du peuple qu'il ne reconnaît que l'UGTA comme syndicat. Aujourd'hui, il est du devoir de l'UGTA de dire aux Algériens qu'on est dans un gouvernement de droite. Cela suppose l'existence des riches et des pauvres. La mondialisation veut dire « américanisation » dans le sens où il y a des pays riches et des pays pauvres. C'est pourquoi l'UGTA n'a pas été capable d'empêcher la nouvelle loi sur les hydrocarbures qui est unique dans le monde de par l'hypothèque qu'elle met sur les richesses énergétiques. Il faut savoir qu'on ne sera même plus en mesure de produire nos carottes et nos navets, vu que ces produits, avec l'adhésion à l'OMC et l'accord d'association avec l'UE, seront plus compétitifs sur le marché algérien. On voit ce que les produits chinois et bientôt indiens feront de l'Algérie. Hamid Chiboukhi Durant la guerre, ce sont les responsables de l'UGTA qui se déployaient pour sensibiliser les Algériens à adhérer au FLN et à rejoindre les maquis de l'ALN. Nombreux sont ceux qui l'ont payé soit par la mort ou la prison. Boualem Bourouiba L'UGTA a beaucoup donné pour la révolution. Même l'après-guerre n'a pas été perdue de vue. Ce fut grâce à la centrale qu'il y a eu la rentrée des classes de 1963. D'ailleurs, à l'époque elle fut la seule organisation bien structurée alors que le FLN était encore en phase de recomposition. Un accord a été conclu à cette date entre l'UGTA et le FLN pour sauvegarder l'autonomie du syndicat. Cet accord a été conclu entre Gaïd Tahar, en sa qualité de représentant de l'UGTA, et Mohamed Lebjaoui, représentant du bureau politique du FLN. Cependant, cet accord a été violé en 1968 avec la mise de toutes les organisations de masse sous la coupe du parti.