Le président de l'Union des zaouïas explique que le soutien de son organisation va à des personnes et pas aux partis politiques : «Nous ne soutenons pas les partis, nous soutenons des politiciens.» - Ces dernières années, des zaouïas affichent ostensiblement leur soutien à des politiciens. Quels sont vos critères pour «bénir» un candidat ? Les zaouïas soutiennent tous les Algériens. Elles ne soutiennent particulièrement aucun parti politique. Les zaouïas soutiennent les politiciens honnêtes, compétents et intègres. Le cheikh, qui est une autorité spirituelle, peut trancher lorsque le choix devient difficile. Un cheikh peut recommander à ses disciples et aux gens de la région (où siège sa zaouïa) de voter pour «untel fils de tel» parce qu'il connaît tout le monde. En plus, si les politiciens ou militants d'un parti politique viennent nous voir, on ne peut pas les renvoyer. Même le président de la République a sollicité les zaouïas pour se présenter à de nouveaux mandats. Les zaouïas l'ont aidé, pas en tant que représentant d'un parti politique (Bouteflika est président d'honneur du FLN, ndlr), mais en tant que personne que nous avons jugé compétente et homme de la situation. Cela dit, ceci ne veut pas dire que des zaouïas étaient contre les autres candidats. En pratique, ce sont les associations apparentées à des zaouïas qui s'intéressent réellement à la politique. Une zaouïa peut parrainer jusqu'à 1000 associations qui activent sur le plan social. A la tête de chaque association, il y a un moqadem (grade de responsabilité dans une zaouïa). Donc, si on compte le nombre de moqadem, on peut dénombrer environ 8900 zaouïas en Algérie. Le politicien ne sollicite pas directement le cheikh de la zaouïa. Il s'intéresse particulièrement aux organes associatifs. Un moqadem peut représenter entre 100 et 1000 électeurs. Ainsi, si le moqadem conseille de voter pour un politicien, ce dernier gagnerait ce nombre de voix. - Ce soutien peut être considéré comme une forme d'influence sur les citoyens qui décident de voter... Oui, il y a de l'influence. Je précise qu'au sein de l'UNZA, il existe des adeptes qui sont membres de tous les courants politiques. Ils sont soit issus de partis dits nationalistes, démocrates ou islamistes. On ne peut pas favoriser un parti vis-à-vis d'un autre. - Cette influence est-elle une forme d'immixtion des zaouïas dans le politique ? Exclure les zaouïas du jeu politique est une erreur. Les zaouïas ont le droit d'émettre des avis. Il ne faut pas oublier que l'Emir Abdelkader, le fondateur de l'Etat moderne algérien, était un soufi. C'était un adepte de la zaouïa Kadiria. Il ne faut pas se tromper et tomber dans l'amalgame. Les zaouïas ne s'impliquent pas directement dans le pouvoir et dans la prise de décisions. La zaouïa est une institution cultuelle, certes. Mais elle doit s'intéresser au domaine politique. Son rôle ne sera d'ailleurs pas décisionnel. Il sera consultatif. La zaouïa ne fait pas de la politique pour prendre le pouvoir. Il ne faut pas confondre entre politique et pouvoir. - De quelle manière des zaouïas peuvent-elles contribuer politiquement ? Les zaouïas sont antérieures aux partis politiques et existaient bien avant les associations de la société civile. C'est au sein des zaouïas que les nationalistes algériens ont été formés. A titre d'exemple, la majorité des militants du PPA et du FLN étaient des soufis. Conclusion : vouloir éloigner les zaouïas de la scène politique est un non-sens. - Pensez-vous qu'un candidat aux élections législatives a plus de chances de gagner un siège au Parlement lorsqu'il est soutenu par une zaouïa ? Absolument et c'est à l'honneur de la zaouïa. Par ailleurs, pour les élections présidentielles de 2004 et de 2009, Abdelaziz Bouteflika a été réintroduit au palais d'El Mouradia grâce à nous. Ce qui nous enchante. De plus, le président de la République est un soufi.