Le constat est amer. La région de la Kabylie est sale et l'environnement est pollué. Les déchets s'amoncellent sur les routes des localités rurales et sur les trottoirs des centres urbains. Les décharges publiques communales, naturellement conçues pour recevoir les ordures ménagères, posent de nombreux problèmes aux collectivités locales et à la direction de l'environnement de la wilaya. Les 800 t de déchets quotidiens, que rejettent les ménages dans la wilaya de Tizi Ouzou, sont un casse-tête à tous les niveaux de responsabilité et une préoccupation permanente des citoyens. La wilaya de Tizi Ouzou compte 67 décharges communales non contrôlées pour autant de communes et des dizaines de milliers de dépôts anarchiques visibles sur les abords des routes. La situation est alarmante et les dégâts inestimables. La forêt de Yakouren, de Mizrana et tant d'autres sites naturels sont devenus d'énormes dépotoirs. Les citoyens dénoncent cette situation et les pouvoirs publics au niveau local paraissent impuissants. Ces dépôts ont été souvent à l'origine de dizaines de départs de feu chaque été provoquant la destruction de milliers d'arbres fruitiers et parfois la menace d'incendie sur les habitations. Récemment, les habitants du village de Tighilt Mahmoud dans la commune de Souk El Tenine ont saisi les autorités communales et de wilaya pour réclamer des indemnisations, suite aux incendies de l'année dernière ayant détruit leurs oliveraies. Selon les membres du comité du village, la décharge, qui se trouve sur la route d'Ighil Oumenchar, (RN 147), d'où un feu était parti, a directement causé la destruction de près de 10 000 oliviers lors de l'incendie d'août 2005. M. Oubabas, directeur de l'environnement de Tizi Ouzou, explique : « Les rejets quotidiens de chaque habitant augmentent chaque jour, et nous sommes confrontés au délicat problème des sites pour accueillir les décharges publiques. Aux communes, qui doivent gérer la collecte et les dépôts des ordures, nous soumettons des propositions de sites pour l'implantation des décharges contrôlées. Parfois à cause de l'absence de terrain, nous suggérons des plans dans le cadre de l'intercommunalité, mais les hostilités viennent de toutes parts ». Selon le même responsable, les décharges publiques intercommunales sont systématiquement rejetées par les élus des assemblées communales ainsi que par des citoyens. C'est le cas de la daïra de Boghni où devait être implanté un site commun à Assi Youcef et Mechtras. Il en est de même pour la commune de Timizart dans la daïra de Ouaguenoun. C'est l'absence de sites appropriés et les reliefs fortement accidentés dans certaines communes telles que Aïn El Hammam qui a amené la direction de l'environnement à proposer vainement la solution de l'intercommunalité. Le P/APC de Timzart, Mehalal Lounès, déclare : « A cause de la densité de la population et des nuisances que pourrait provoquer une décharge intercommunale, la population s'est opposée. Le site ne convient pas, car il est situé à 300 m du lycée, d'une cité et du CFPA. Les citoyens font pression pour demander d'achever les travaux de l'assainissement et revendiquent des plans de développement communaux et non pas recevoir les ordures des communes limitrophes. » La population nous dit : « Nous voulons des projets et non pas des décharges ». La population de la commune avoisine les 34 000 habitants répartis sur 27 villages et de nombreux hameaux. Devant l'opposition de la population de la commune de Timizart, le directeur de l'environnement retire sa proposition en envoyant une correspondance le 15 juin dernier à l'APC, précisant que « le site d'aménagement de la décharge publique de Timizart est réservé exclusivement aux déchets de ménage de la commune ». L'opposition des citoyens de cette municipalité a eu raison des projets de l'administration de wilaya. Le chef de daïra de Ouaguenoun indique : « Il n'a jamais été question d'implanter une décharge intercommunale dans la commune de Timizart. Mais le véritable dilemme auquel on est confronté est le suivant : tout le monde réclame des décharges publiques et en même temps, c'est tout le monde qui s'y oppose ». Selon les chiffres fournis par la direction de l'environnement, chaque habitant rejette 0,7 kg de déchets par jour. La quantité est appelée à augmenter les années à venir avec le mode de consommation moderne, et la presque totalité des emballages n'est pas biodégradable. Les communes à qui échoit le devoir de gérer le cadre de vie du citoyen se retrouvent dans l'incapacité d'agir. Pourtant, estime un écologiste, la prise en charge des déchets devrait être une priorité au même titre que le captage et l'entretien d'une source d'eau, que la réalisation d'un centre de santé, car il s'agit de prévenir en amont les dangers sur la santé publique.Juguler les dépôts sauvages situés à proximité des cours d'eau et des zones forestières devrait attirer l'attention permanente des pouvoirs publics et du citoyen. Mais cela reste irréalisable sans un plan de développement global.