La Journée mondiale de la liberté de la presse en Algérie est-elle sur le point de connaître une banalisation et devenir une journée comme les autres ? Du côté officiel, aucune mesure ni initiative n'est envisagée, si ce n'est la mise en place, le mois prochain, de l'instance de régulation de la presse écrite prévue par la nouvelle loi sur l'information, dont les faiblesses ont été dénoncées par les professionnels et les spécialistes. Une fois de plus, alors qu'il était attendu sur l'élargissement de la liberté d'expression à d'autres secteurs, notamment celui de l'audiovisuel, le pouvoir privilégie les moyens de contrôle et de coercition. Dans ce sens, il reste fidèle à la démarche adoptée depuis une quinzaine d'années, à savoir faire preuve d'autoritarisme envers la presse écrite et les autres moyens d'information. Donc pas question, pour l'heure, de libérer les ondes sonores et les fréquences pour la création de radios et de télés privées, et ce, même si la nouvelle loi adoptée en début d'année en pose le principe, sa traduction dans les textes est repoussée aux calendes grecques. Une attitude qui révèle le désarroi des autorités face une telle perspective de déréglementer l'audiovisuel, alors qu'ailleurs, pas plus loin que chez nos voisins tunisiens, le débat s'enclenche sur la liberté d'expression élargie aux nouveaux médias, au journalisme numérique et la mondialisation. Chez nous, les autorités ont tourné le dos aux nouvelles technologies de la communication, aux réseaux sociaux et à la «révolution numérique». Pis encore, dans ce combat d'arrière-garde, des internautes peuvent être inquiétés pour leurs opinions sur YouTube ou autre facebook. Ainsi, pour avoir marqué son refus de voter aux prochaines législatives sur un «social network», un jeune Algérois de 23 ans a été interpellé par la police et sera vraisemblablement présenté devant le procureur de la République pour de tels faits. Le harcèlement judiciaire ne semble donc épargner ni les journalistes ni les citoyens qui viendraient à s'exprimer sur les réseaux sociaux. La seule anticipation dont fait preuve le pouvoir, c'est celle du durcissement, de la répression, rejoignant ainsi le clan très fermé des régimes dictatoriaux de la planète. Face à une telle fermeture du paysage audiovisuel algérien, voulue par des dirigeants peu enclins à céder sur le monopole politique, en maintenant le contrôle et la mainmise des médias lourds, des télés «offshore» adossées à des quotidiens nationaux, proches des milieux d'affaires ou de la mouvance islamiste, émettant à partir de pays du Moyen-Orient, font des percées via des satellites arabes dans le paysage audiovisuel national, démontrant ainsi l'incapacité des maîtres censeurs algériens et plaçant tout le monde devant «le fait accompli». Le pouvoir, par son attitude autoritaire et fermée, est quelque part complice dans cette course aux fréquences dans laquelle il sera difficile aux téléspectateurs algériens, submergés par ces images venues du ciel, de «séparer le bon grain de l'ivraie» et surtout, par son laxisme voulu, laisse la médiocrité prendre le dessus sur la qualité et le professionnalisme qui comme dans tout autre chose restent primordiaux dans l'art d'informer.