Dans cet entretien qu'il nous a accordé à l'occasion du 30e anniversaire de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) proclamée le 27 février 1976, le président Mohamed Abdelaziz réaffirme la poursuite du combat par des méthodes politiques et diplomatiques pour arracher le droit du peuple sahraoui. Toutefois, il n'écarte pas la reprise de la guerre au cas où le Maroc campe sur sa position. M. Abdelaziz réitère qu'aucune autre solution n'est acceptable en dehors du référendum d'autodétermination. 30 ans de combat, jusqu'à quand M. le président ? Au moment où la puissance coloniale, l'Espagne à l'époque, était sur le point de se retirer du territoire du Sahara-Occidental, un autre pays colonisateur est venu la remplacer. Ceci alors que nous attendions de notre voisin frère et ami, qu'il soit à nos côtés pour justement consacrer notre indépendance, construire un Etat sahraoui et bien sûr contribuer au développement socioéconomique de notre peuple. Malheureusement, nous avons été victimes d'un plan machiavélique et lâche de la part du gouvernement marocain. Notre destin est de continuer encore le combat pour l'indépendance. Après une lutte armée, nous avons consenti à arrêter les combats en respect à une demande et une médiation onusienne. Nous n'avons pas renoncé à l'option de guerre, nous avons fait taire les armes temporairement mais nous souhaitons ne pas être poussés à reprendre les armes. Pour l'heure, nous continuons notre combat pacifique avec des méthodes politiques et diplomatiques, peut-être que cela convaincra le royaume du Maroc d'une solution pacifique, mais aussi et surtout la communauté internationale de la nécessité de faire pression sur le Maroc pour l'organisation d'un référendum libre et démocratique. Si le Maroc nous pousse pour le retour à la guerre, nous le ferons pour défendre nos droits nationaux légitimes. Vous célébrez le 30e anniversaire de la RASD. Quel message comptez-vous délivrer à cette occasion ? Le message que j'ai à transmettre à cette occasion s'articule autour de trois points essentiels. Le premier est relatif au fait que la République sahraouie existe depuis 30 ans, elle est aujourd'hui membre à part entière de l'Union africaine (UA) et elle est reconnue par près de 80 pays à travers le monde. C'est aussi le fait que la RASD est aujourd'hui une réalité nationale, régionale et internationale. Le second point est lié à la question de la viabilité d'un Etat sahraoui qui contribuera à la stabilité, la sécurité et le développement dans la région du monde arabe. Le troisième point est que la célébration du 30e anniversaire de la proclamation de la RASD est une manière d'exprimer notre attachement et notre combat pour l'autodétermination. Aucune solution n'est acceptable en dehors d'un référendum d'autodétermination libre et démocratique. La RASD est un moyen de défense de la légalité internationale et du droit du peuple sahraoui, en l'occurrence son autodétermination. Après 30 ans, il a été prouvé que le peuple sahraoui où qu'il se trouve est convaincu que la RASD est l'expression de son choix, et il est prêt à la défendre jusqu'à ce quelle devienne une réalité. Le retrait de James Baker a été ressenti comme un coup dur. Qu'en pensez-vous ? Le retrait de James Baker est une grande perte non seulement pour le peuple sahraoui mais aussi pour la paix dans la région et pour les Nations unies. Car, James Baker, qui jouit d'une forte personnalité, d'une expérience et d'une crédibilité, s'est retiré en dénonçant l'ONU du fait qu'elle ne lui a pas apporté l'aide nécessaire. Tout cela est pour nous une atteinte à la crédibilité de l'ONU. Le retrait de James Baker est une manière de protester contre la position marocaine et les Nations unies qui n'ont pas été solidaires. Mais, pour nous, Baker a laissé un plan de règlement qui est toujours valable. Au-delà de sa mission du cessez-le-feu, la Minurso n'a-t-elle pas aussi comme objectif d'organiser le référendum au Sahara-Occidental ? Comment expliquez-vous cette fuite en avant de cette organisation ? Le rôle de la Minurso au Sahara-Occidental se trouve dans sa propre appellation : mission des Nations unies pour un référendum d'autodétermination au Sahara-Occidental. Le cessez-le-feu n'était qu'un moyen pour arriver à l'objectif essentiel qui était le référendum d'autodétermination. Dès le moment où la mission de cette structure a été occultée, l'ONU a ainsi dévié de l'objectif qui concerne le peuple sahraoui. Elle est devenue un moyen de surveillance et de protection de l'occupant marocain, ce que nous n'accepterons pas. Qu'attendez-vous de la prochaine réunion du conseil de sécurité de l'ONU, prévue dans trois mois ? L'intervention de Peter Van Walsun, lors de la dernière session du conseil de sécurité de l'ONU, a été décevante. Nous avons souhaité qu'à son arrivée il désigne les choses par leur nom. A la limite, deux choses essentielles : la défense du référendum comme moyen pour l'autodétermination et la défense des droits de l'homme dans les territoires occupés du Sahara-Occidental. On n'a pas remarqué toutefois, dans les propos de Peter Van Walsun, la défense de ces deux principes. Nous souhaitons que le conseil de sécurité de l'ONU, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, son envoyé personnel et son représentant personnel s'intéressent davantage à la question des droits de l'homme dans les territoires occupés du Sahara-Occidental qui ne cessent d'être violés par les autorités marocaines depuis mai 2005. L'assassinat, les arrestations et l'emprisonnement des Sahraouis en présence de la Minurso, le refus des résolutions 1495, du référendum, du plan de paix devraient être désignés par leurs appellations par Kofi Annan et Peter Van Walsun. Quel rôle doit jouer l'Espagne en tant que puissance administrante dans ce conflit ? Le gouvernement espagnol est responsable de ce qu'endure le peuple sahraoui. L'Espagne demeure pour nous la puissance administrante du Sahara-Occidental. Cela dit, la présence de l'ONU au Sahara-Occidental offre une possibilité à l'Espagne de jouer un grand rôle pour aider à l'application des résolutions des Nations unies. Pour nous, malgré les sentiments positifs qu'exprime le gouvernement espagnol, l'effort actuel de l'Espagne est insuffisant. Quelle est la situation actuellement dans les territoires occupés du Sahara-Occidental, et comment voyez-vous l'avenir des droits de l'homme dans ce territoire ? Les territoires occupés du Sahara-Occidental sont assiégés. Depuis le mois de mai 2005, les villes occupées du Sahara-Occidental sont le théâtre de violation des droits de l'homme, d'une répression violente, d'enlèvements forcés et de la torture, jusqu'à donner la mort sous la torture le 31 octobre dernier à un jeune Sahraoui Lembarki Hamdi Salek Mahjub. Ainsi que l'emprisonnement arbitraire des activistes des droits de l'homme comme Ali Salem Tamek, Aminatou Haidar, Brahim Noumria. Des centaines d'arrestations intervenues depuis le mois de mai sont suivies de tortures pour une grande partie des détenus dans la Prison noire d'El Ayoun, la capitale sous occupation. Le gouvernement marocain contrôle strictement l'accès du territoire à la communauté internationale. Ce fut le cas pour les institutions européennes venues en mission d'enquête et les journalistes renvoyés à leur arrivée à l'aéroport d'El Ayoun. Des pratiques qui n'existent nulle part dans le monde. Quelle est la situation actuelle en termes d'aide internationale dans les camps des réfugiés sahraouis ? Nous étions étonnés que les organisations affiliées à l'ONU et à l'UE aient décidé de revoir à la baisse à environ 40% le volume des aides destinées aux Sahraouis. Ces organisations ont justifié cette baisse par un manque de bailleurs de fonds. Au lieu de pénaliser les autorités marocaines du fait de leur refus des résolutions des Nations unies, elles pénalisent encore une fois les réfugiés sahraouis. Mais cela n'empêchera pas la poursuite du combat du peuple sahraoui pour la défense de la sa liberté. Concernant l'exploration offshore, peut-on savoir comment se sont conclus les contrats de prospection pétrolière ? Nous avons entamé des négociations avec certaines sociétés étrangères, particulièrement dans le domaine de l'exploration pétrolière depuis quelque temps. Toutefois, l'exploitation n'est pas à l'ordre du jour. Celle-ci ne peut être menée qu'après que le peuple sahraoui ait recouvré sa souveraineté sur le territoire national. Plusieurs sociétés étrangères ont déjà signé des accords avec l'Etat de la RASD. Les accords pourront être signés pour chaque zone offshore. Pour le moment, nous avons signé des accords avec des sociétés britanniques et australiennes et d'autres sont en cours de négociation.