La huitième édition du Salon du livre et du multimédia amazighs, organisée à Bouira du 19 au 23 mai, a montré combien le tamazight, dix ans après sa reconnaissance comme langue nationale, a du mal à s'imposer malgré ce statut. Manque de production littéraire ou communication défaillante ? Le Salon du livre et du multimédia amazighs, qui s'est tenu à Bouira, avec plus d'une vingtaine de maisons d'édition, n'a pas attiré les foules… Au cœur des revendications linguistiques et culturelles amazighes en 1980 (Printemps amazigh), en 1994-1995 (grève du cartable en Kabylie) et en 2001 (Printemps noir), le statut de tamazight et son enseignement demeurent un sujet de discorde entre les militants de la cause amazighe et les autorités algériennes. «C'est une aberration qu'il n'y ait pas de département de tamazight en dehors de la Kabylie, s'emporte un enseignant à l'université de Tizi Ouzou qui a souhaité garder l'anonymat. On a la nette impression qu'on veut l'enfermer en Kabylie. Peut-on imaginer qu'une langue nationale ne soit pas enseignée dans la capitale ? Il faut une volonté politique pour déghettoïser tamazight !» Quand ils n'enseignent pas dans des conditions démotivantes, plusieurs dizaines d'enseignants formés dans les départements de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira se retrouvent chaque année au chômage. «Même dans les wilayas où est concentré l'enseignement de tamazight, il n'y a pas de réelle volonté de le développer. Preuve en est le faible recrutement d'enseignants, précise Zahir Meksem, enseignant au département de langue et culture amazighes de l'université de Béjaïa. Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que si un élève peut étudier le tamazight au primaire et au lycée, il peut très bien être orienté, entre les deux, dans un collège qui ne dispense pas cet enseignement.» Gouffre La production littéraire est aussi loin d'être suffisante pour conquérir un grand public. Avec à peine dix maisons d'édition en langue amazighe et 200 livres édités par le Haut-Commissariat à l'amazighité depuis sa création en 1995, la littérature amazighe a encore du chemin à parcourir. A ce sujet, Brahim Tazaghart, animateur du Mouvement culturel amazigh et responsable des éditions Tira, accuse le ministère de la Culture «qui n'a pas jugé utile de mettre en place une politique de soutien au livre amazigh dans le cadre du fonds du soutien au livre». Et même lorsque certains projets sont retenus, «la bureaucratie fait son œuvre pour désespérer les plus tenaces». Entre l'intention affichée et la réalité, «il existe un gouffre», dénonce l'éditeur. Comment donner à tamazight les moyens de la développer et de la promouvoir ? «Il faut, sans tarder, décider de rendre obligatoire l'enseignement de tamazight, jusque-là facultatif, dans les régions amazighopohones, avec la création de classes pilotes dans les autres régions, poursuit l'éditeur. Suite à cette décision, un projet de généralisation doit être élaboré et mis en œuvre avec toute la rigueur nécessaire. Il est inconcevable que des licenciés en tamazight restent au chômage!» Zahir Meksem s'interroge également sur «le manque de volonté affiché par le ministère de l'Education qui aurait pu penser à former des enseignants au niveau des ENS, comme les autres matières.»Bouira.