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«Nos étudiants arrivent avec d'énormes carences sur le plan de la réflexion» Fatima Benamer-Belkacem. Didacticienne, enseignante à l'université de Béjaïa
- Quel est le but de la dernière mesure prise par le ministère de l'Education, dont la limitation des cours pour l'examen du bac à partir du 15 mars, ce qui implique la suppression de tout le troisième trimestre, sur le parcours pédagogique de l'apprenant ? Je pense que c'est dommage de prendre des décisions de ce genre : faire du seul examen resté encore fiable chez nous, un examen au rabais (alors que nous savons tous que les élèves algériens qui passent le bac français s'y préparent en deux ans !), cela donne à réfléchir. Pour ce qui est de l'impact de ces pratiques sur la validation des années et la fiabilité des diplômes, c'est d'autant plus douloureux que cela présage du profil de sortie de nos élèves, et ce, pour toutes les matières. - Quel est son impact sur le cursus universitaire, le niveau des étudiants, les chances de réussite et la valeur du diplôme universitaire, en s'appuyant sur votre expérience en tant qu'inspectrice et par la suite professeur à l'université ? Très important, déjà que nous sommes tous d'accord pour reconnaître que nos étudiants arrivent avec d'énormes carences sur le plan de la réflexion, de l'esprit critique, de la rédaction cohérente et rigoureuse. Ils récitent les cours. Mais ils sont incapables de synthétiser, de tenir un discours cohérent, car ils n'ont pas intériorisé les compétences langagières à même de leur permettre d'argumenter. Et pourtant, le dossier argumentation fait partie du programme au lycée. Cela dit, il faut reconnaître que travailler avec des classes de plus de 25 élèves ne favorise pas du tout la pédagogie du projet qui demande un suivi permanent et des interactions incontournables en situation pour le mener à terme. Mais surtout pour asseoir les compétences qui lui sont inhérentes et mener une évaluation formative digne de ce nom. L'évaluation formative donne lieu à un véritable arrangement des erreurs et non une simple correction et on passe à autre chose. - Quel regard portez-vous sur les réformes éducatives, à savoir le contenu, le volume horaire, les méthodes pédagogiques, la surcharge des programmes et des classes ? Concernant les réformes, c'est une excellente décision, car un programme doit avoir une durée de vie qui ne dépasse pas une décennie (pour ne pas dire 5 ans comme le recommandent les didacticiens !), mais des réformes sans moyens matériels et pédagogiques adéquats. Certaines classes sont parfaitement sinistrées ; manque de tables ; bancs cassés ; vitres brisées ; portes abîmées et sans loquets fonctionnels, murs dégarnis. Une classe se doit d'être un lieu attirant pédagogiquement parlant pour l'enfant : il faut qu'il y soit à l'aise pour apprendre dans la sérénité et le bien-être ! Un volume horaire en rapport avec le niveau réel ou profil d'entrée des élèves ; des moyens pédagogiques actualisés (manuels, films, images, gravures, cartes, ordinateurs) (!)... Des classes de moins de 30 élèves pour réellement mettre en œuvre, justement, l'enseignement/apprentissage, centré sur l'apprenant. Enfin, quand on constitue des cellules de conception (ou même de réforme) des programmes scolaires, il faut veiller à intégrer des psycholinguistes, des sociologues et des psychopédagogues ainsi que des didacticiens, pour toutes les disciplines.