Nous voilà dans un drôle d'engrenage. Une APN qui a presque honte d'assumer sa représentativité populaire, un gouvernement bloqué qui ne sait plus quoi faire de son temps et de nombreux partis politiques qui font dans la contestation bruyante en raison des crises intestines qui les affectent. Et si on ajoute le rapport accablant de la CNISEL sur le déroulement des élections qui installe une vraie suspicion sur les résultats, on a là une belle pagaille qui annonce de grandes tempêtes. Au moment où on pensait que les législatives allaient remettre les gens au travail, c'est le vent de la fronde qui souffle fort sur le monde politique. Mais faut-il s'en étonner lorsqu'on sait qu'au lieu de tenir ses promesses pour libérer un tant soit peu le jeu politique de ses carcans, le sérail a tout fait pour semer partout la zizanie. A commencer au sein du vieux parti unique où le secrétaire général en personne ne fait plus, depuis longtemps, l'unanimité. Belkhadem est en effet rejeté par de très nombreux cadres du FLN en même temps qu'il voit la confiance de la base s'effriter chaque jour un peu plus. C'est sur un homme hyper usé et qui n'a plus entièrement son autorité sur le parti que Bouteflika a misé. On se demande alors comment le Président compte-t-il poursuivre le processus des réformes engagées avec un tel handicap, alors que les observateurs étrangers ne lui ont accordé qu'un sursis. C'est toute l'incohérence de la politique menée par les tenants du système qui est ici exposée avec en perspective une incertitude qui laisse planer trop de danger, dont celui de l'instabilité serait le plus redoutable. On a souvent cette tendance à dire que l'Algérie, en raison de son incohérence politique, reste toujours assise sur une poudrière. Loin d'être une simple prédiction d'un état d'esprit qui se laisse aller à l'exagération, une telle appréhension se nourrit hélas de faits et de comportements qui confirment les craintes du lendemain. Autrement dit, c'est à force de persister à vouloir mener l'Algérie dans des voies complètement bouchées que le pouvoir renforce le système des conflits permanents qui arrivent aujourd'hui à l'intérieur de sa propre maison. Car faut-il le souligner, ce n'est pas seulement le FLN qui est aujourd'hui soumis au feu de l'éclatement, mais également les pointures de soutien comme le RND, ou le MSP lequel a longtemps fait partie du jeu présidentiel avant de comprendre qu'il a été un pion négligeable dans l'échiquier. Derrière le visage placide et toujours arrogant de son leader, le RND, ce n'est plus un secret pour personne, couve lui aussi la plus grave tension de son existence. On a beau au sein de ce parti vouloir minimiser la dimension de cette crise, l'évidence est difficile à cacher. Tout comme Belkhadem, Ouyahia ne tient plus la corde comme avant. Sa manière très dictatoriale de diriger le Rassemblement ne plaît plus à de nombreux militants qui pensent que leur parti a été réduit, depuis sa création par le pouvoir, à un simple appareil docile qui doit exécuter tout ce qu'on lui dicte d'en haut. Selon ces dissidents qui, pour le moment, préfèrent agir dans l'ombre, mais avec un sens des responsabilités pour éviter que les cassures soient trop béantes, le changement à la tête de la direction serait plus que salutaire. Ouyahia ayant à leurs yeux utilisé le parti pour les besoins de sa propre carrière, ils estiment qu'il est temps qu'il cède la place dans l'intérêt d'un mouvement politique qui doit retrouver au plus vite sa liberté d'action au lieu de se complaire dans les travées du pouvoir. Le RND en difficulté et remis en cause de l'intérieur, c'est assurément une autre épine dont Bouteflika se serait passé si le jeu démocratique qu'on veut incarner pour les autres avait commencé par se libérer d'abord au niveau des structures satellites. Or, c'est loin d'être le cas. L'exemple du RND est frappant en ce sens qu'il dévoile tout le déficit en matière de démocratie que traîne l'activité partisane dans notre pays. Si donc la vie politique en Algérie a atteint un niveau exécrable – on a eu un aperçu lors de cette dernière campagne électorale – c'est en raison des configurations structurelles ou hiérarchiques qui relèvent presque toutes du dogme FLN. Nos partis sont dirigés par des «zaïms» qui, tout en parlant de démocratie, acceptent rarement, sinon jamais, le principe de l'alternance. Même les partis d'opposition qui luttent pour instaurer un ordre plus démocratique n'échappent pas à cette vérité historique qui a la peau dure. Il n'y a qu'à voir les remous qui secouent le FFS pour se faire une idée. C'est donc à travers la doctrine FLN qui peut se mouvoir en mode de pensée et en forme d'action qu'il faut chercher les origines des problèmes que connaissent actuellement beaucoup de partis. Des problèmes de revitalisation de l'action partisane par le renouvellement du personnel, qui peuvent être interprétés comme des ambitions de succession légitime au regard des parcours des uns et des autres. Normalement, si un parti tient à sa ligne idéologique sur laquelle sont adossée ses convictions politiques, il ne doit rencontrer aucune difficulté majeure pour faire admettre et appliquer la règle de la transition au sommet de la direction. Or, même unis idéologiquement, on assiste dans beaucoup de partis à des frictions qui ressemblent à des conflits de personnes. S'il y a donc incompatibilité, que restera-t-il ? Entre-temps, c'est le peuple qui s'éloigne de la politique.