Bloqué depuis 2008, le processus redémarre à la faveur de la tenue d'un 11e round de discussions. Les négociations multilatérales en vue de l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce reprendront en juillet prochain. Bloqué depuis 2008, le processus redémarre à la faveur de la tenue d'un 11e round de discussions. Serait-ce le dernier ? Si l'idée avait été défendue un certain moment par le ministre du Commerce, les responsables en charge de la négociation sont moins optimistes et beaucoup moins prompts à avancer des délais. Au final, l'accession de l'Algérie à l'OMC ressemble aujourd'hui à une saga interminable. Vingt-cinq ans sont passés depuis la première demande d'adhésion en juin 1987. Dans ce long cheminement, le groupe de travail s'est rencontré 10 fois depuis sa première réunion en 1998. Au cours de ce processus, l'Algérie a procédé à l'amendement de 36 textes de loi et a répondu à 1640 questions adressées par les pays membres de l'OMC. L'Algérie est également membre observateur de l'Organisation. Or, les doutes sur l'aboutissement du processus persistent aujourd'hui plus que jamais. La raison réside dans le fait qu'après avoir initié une ouverture tous azimuts de son économie au marché mondial, l'Algérie recule sur certaines dispositions. La question qui se pose naturellement est de savoir pourquoi persiste-t-on dans la négociation ? Les avis sont partagés à ce propos. Les uns pensent qu'une plus grande ouverture du marché risque de menacer le peu de production dont dispose l'Algérie et n'induirait au final qu'une accélération des importations. Selon cette vision, il faut, pour l'heure, protéger le marché. A contrario, d'autres pensent que l'adhésion au système multilatéral de l'OMC est inéluctable et que retarder le processus ne ferait que créer des conditions d'accession de plus en plus défavorables pour l'Algérie. Ils estiment aussi que l'OMC pourrait permettre à l'Algérie de créer les conditions d'une économie transparente et à niveau. Quels que soient les arguments présentés par les uns et les autres, ils trouveront écho ou susciteront les critiques de leurs détracteurs. Or, l'Algérie ne semble pas prendre une position claire dans un sens ou dans l'autre et paraît s'inscrire dans une démarche purement participationniste. Il est vrai que les responsables algériens déclarent, à chaque fois que l'occasion se présente, que l'Algérie veut adhérer à l'organisation. Mais en même temps, on n'hésite pas à mettre en avant des arguments de souveraineté. On affirme même que l'Algérie continuera à solliciter «des périodes de transition» pour pouvoir mettre à niveau les secteurs qui nécessitent une telle opération. Aussi, un tournant réglementaire important a été opéré en 2009 où la législation concernant l'investissement et le commerce a été recentrée. Pourtant l'adhésion à l'OMC n'est pas un processus similaire à l'adhésion à l'ONU, nous explique Mouloud Hedir, ancien directeur du commerce extérieur au ministère du Commerce. Il s'agit en fait d'un contrat signé avec les 157 membres de l'OMC et qui permettra de connecter l'Algérie au marché mondial. Ce contrat induit bien entendu des concessions et des engagements en matière d'ouverture commerciale de nature définitive. Pour M. Hedir, parler de l'OMC, c'est parler de choses très sérieuses qui induisent des effets à long terme. A partir de là, l'aboutissement d'un accord en vue d'une adhésion ne peu résulter que d'un équilibre entre les négociations avec les partenaires sur le marché externe et les négociations en interne en prenant en compte ce qui peut être accepté par les acteurs du marché local. Or, estime-t-il, pour l'heure les autorités semblent avoir beaucoup de mal à cerner les enjeux des négociations, à définir avec précision les secteurs stratégiques qu'il faut protéger, et les secteurs qu'il faut au contraire libéraliser. Le dilemme européen Il considère aussi que sur certains dossiers techniques et d'autres plus importants, comme celui des prix de l'énergie, de l'ouverture des services éducatifs ou l'audiovisuel, l'Algérie peut toujours imposer ses positions pour peu qu'on sache exactement définir ce qu'on veut et se faire comprendre. D'où l'impression que donnent les Algériens de ne pas savoir exactement ce qu'ils veulent. Une impression qui pourrait trouver son origine en 1994, lorsque l'Algérie a raté le coche de l'adhésion à la transformation du GATT en OMC. Adhésion simplifiée qui lui aurait juste valu d'accepter les seules règles générales de l'organisation sans passer par le processus de négociation. Une impression qui s'est confirmée en 2009, au lendemain de l'adoption de la loi de finances complémentaire et le virage à 360 degrés en matière d'ouverture commerciale. Les politiques économiques se sont recentrées sur les entreprises publiques, et l'imposition du partenariat dans l'investissement, le commerce ainsi que des mesures de recadrage commercial qui n'ont pas été appréciés par certains partenaires. C'est le cas de l'Union européenne avec laquelle l'Algérie réalise 60% de son commerce extérieur. Ainsi, et dans un bilan d'évaluation de 5 ans de mise en œuvre de l'accord d'association publié en 2010, l'UE considère que certaines dispositions de la LFC 2009 ainsi que la batterie de textes et de notes publiés cette année-là ne rassurent pas les partenaires étrangers. Il est rappelé ainsi que «ces mesures peuvent être justifiées sur le fond, car elles organisent et rationalisent le commerce extérieur, principalement les importations. Elles permettent, en effet, de lutter contre la fraude et le commerce informel. Mais elles ont été prises dans la précipitation et sans concertation. En conséquence, elles désorganisent le commerce extérieur et engendrent des coûts supplémentaires pour les importateurs. De plus, certaines d'entre elles sont peu compatibles avec l'AA, d'autres sont floues et difficiles à appliquer en l'absence d'un dispositif technique et institutionnel en amont (…). Ces mesures engendrent de l'incertitude pour les opérateurs économiques qui importent de l'étranger et alourdissent le climat des affaires en Algérie». Depuis, les négociations bilatérales entre les deux partenaires en vue de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC semblent s'enliser et le soutien des Européens à la candidature algérienne se fait attendre, même si une assistance technique a pu se mettre place grâce au Facico. Le fait que les Européens qui s'appuient sur le retournement réglementaire en Algérie mettent en avant l'argument de l'indécision de l'Algérie à s'ouvrir au marché mondial. Dans son bilan, l'UE précise que «le système de réformes mises en place par les autorités algériennes depuis les années 2000 est complexe et ambitieux, mais sa lisibilité externe n'est pas assurée, car de nombreuses réformes reflètent des ambiguïtés stratégiques. D'un côté, un engagement politique dans le processus d'ouverture de l'économie algérienne, de l'autre, l'exigence de ne pas renoncer à des choix économiques en faveur du système économique en place qui garantissent une stabilité sociale, et en définitive, une ambivalence des messages envoyés aux opérateurs économiques étrangers». Un argument qu'on pourrait opposer aux trop grandes concessions accordées par l'Algérie dans le cadre de l'accord d'association. Des concessions qui reflètent aussi la précipitation avec laquelle les Algériens sont allés vers la signature d'un accord de libre-échange non seulement avec l'Union européenne mais aussi avec la Zale avant même d'avoir finalisé le processus d'accession à l'OMC et sans en mesurer les conséquences sur cette future adhésion. A ce propos, M. Hedir met en avant les concessions accordées à l'Union européenne en matière d'ouverture totale du marché des services. En prenant en compte la clause de la nation la plus favorisée, il est donc difficile aujourd'hui pour l'Algérie de ne pas élargir cette ouverture totale aux 157 membres de l'OMC. Il paraît donc aujourd'hui désuet de parler de négociations autour des services, puisque ceux-ci sont déjà ouverts au partenaire commercial le plus important de l'Algérie sans qu'un seul secteur stratégique, comme les banques et assurances, les télécoms ou le transport, ait été défini ou protégé au préalable. Il faut y voir qu'il ne s'agit pas aujourd'hui pour l'Algérie d'aller à l'OMC juste pour y figurer, mais qu'il faut avant tout peser ce qu'on a à y gagner et ce qu'on y a à perdre, créer une économie transparente seul préalable à la diversification et à la compétitivité, gérer le passif d'accords signés dans la précipitation et régler les problèmes de gouvernance globale. Sans quoi l'accession à l'OMC pourrait s'avérer être une entreprise hasardeuse de plus.