Dans l'affaire opposant le journaliste de Canal Plus, Jean-Baptiste Rivoire, à l'hebdomadaire Marianne en la personne de son directeur Jean-François Kahn (lire El Watan des 19 et 26 janvier 2006), le tribunal de Paris (17e chambre - chambre de la presse), dans son jugement rendu hier, a considéré que « c'est à tort que Jean-Baptiste Rivoire articule comme diffamatoire à son égard "le passage de l'article de Marianne" (édition des 8 au 14 mars 2004, article non signé intitulé "Un étrange suicide"), selon lequel "un certain lobby médiatique" s'évertue à dédouaner les intégristes algériens de leurs crimes. » Sa dernière campagne concerne l'assassinat des moines français du monastère de Tibéhirine, enlevés et égorgés par le GIA en mai 1996 ». Pour le tribunal « loin d'affirmer, voire de seulement suggérer que ce journaliste serait, en fait, un complice actif ou un porte-parole stipendié des intégristes algériens criminels, l'article contient un jugement de valeur qui ne prétend se fonder que sur l'analyse des productions journalistiques de la partie civile et de ses méthodes de travail ». Le tribunal a estimé que ces propos n'étaient pas diffamatoires dans la mesure où « restant sur le terrain du débat d'idées et de l'analyse d'émissions télévisées offertes à l'examen du public, cette libre critique peut conduire celui qui s'y livre à exprimer ses doutes sur la rigueur intellectuelle ou l'exigence déontologique du réalisateur de ces reportages, sans constituer pour autant l'imputation à celui-ci d'un fait précis contraire à son honneur et à sa considération. Elle demeure donc couverte par la liberté d'expression , laquelle s'étend aux opinions qui heurtent, choquent ou inquiètent, de la pertinence desquelles une juridiction ne saurait se faire juge ». Par contre sur la partie relative au suicide du journaliste Didier Contant, le tribunal n'a pas retenu la bonne foi de Marianne, estimant que l'enquête du journal ne pouvait être considérée comme sérieuse dès lors que Marianne n'a pas cherché à entrer en contact avec Jean-Baptiste Rivoire. Le tribunal a aussi considéré que Marianne a manqué à son devoir de prudence car le journal propose une explication unique et réductrice au suicide de Didier Contant. Le tribunal a condamné Jean-François Kahn à payer une amende de 4500 euros à Jean-Baptiste Rivoire au titre de dommages et intérêts et 2500 euros. Le tribunal n'a pas retenu la publication du jugement telle que demandée par la partie civile. A l'audience du 24 janvier 2006, le conseil de la partie civile avait demandé la condamnation solidaire de Jean-François Kahn et de Marianne en qualité de civilement responsable à lui payer les sommes de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 5000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, outre une publication judiciaire du jugement à intervenir en intégralité dans le journal Marianne et par extraits dans quatre journaux de son choix, à hauteur de 10 000 euros par insertion, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Réagissant à ce jugement, Jean-François Kahn considère ce jugement comme « totalement absurde ». Le directeur de Marianne nous affirme : « Nous avons gagné sur la première partie et perdu en partie sur la seconde imputation. Ou on a eu raison d'écrire que le harcèlement de Jean-Baptiste Rivoire a contribué au suicide de Didier Contant, ou on a eu tort. Si on a eu tort, c'est à un million d'euros qu'il aurait fallu nous condamner et non à 4500 euros. On a l'impression qu'on a été condamnés pour le principe alors que nos arguments ont convaincu le tribunal qu'on a sans doute raison. » Marianne compte faire appel nous précise son directeur Rappelons que le tribunal a auditionné les témoins Mohamed Sifaoui, Serge Faubert et Cyrille Drouet (journalistes) au titre de l'offre de preuve, François Gèze (éditeur), Habib Souadia (ex-militaire) , Nicole Chevillard et Luc Herman (journalistes), visés à l'offre de preuve contraire, José Stéphane Macé-Scarron (journaliste), Saïd Sadi (président du RCD), Omar Belhouchet (directeur d'El Watan) et Rina Sherman (compagne du journaliste Didier Contant), cités au titre de la bonne foi, et Nassera Yous épouse Dufour, citée pour combattre cette exception.