Irrémédiablement aveuglé par le pouvoir, le tyran de Damas redouble de férocité. Malgré que son pays, à feu et à sang, soit menacé d'éclatement, le chef de l'Etat syrien ne veut rien lâcher et, surtout, ne rien changer à sa politique. Dans son premier discours depuis janvier, Bachar Al Assad s'est dit, hier, déterminé à lutter contre la révolte qui secoue son régime depuis près de 15 mois. Insensible aux appels à cesser la violence, Bachar Al Assad a de nouveau accusé l'étranger de mener une «guerre» contre la Syrie. Dans la foulée, il a démenti tout lien de ses forces avec le massacre de Houla qui a suscité l'indignation de la communauté internationale. Le chef de l'Etat syrien a souligné que ceux ayant commis le carnage de Houla (centre), dans lequel 108 personnes, dont 49 enfants, ont été massacrées le 25 mai, étaient des «monstres», et rendu un hommage appuyé à l'armée. La rébellion et le régime se sont rejetés la responsabilité du massacre, alors qu'un haut responsable de l'ONU a dit que «de forts soupçons» pesaient sur les milices prorégime. Une enquête internationale indépendante a été ouverte. Devant les députés issus des élections du 7 mai organisées en pleine violence et boycottées par l'opposition, Bachar Al Assad a martelé une heure durant que son pays faisait face à un «plan de destruction» et «à une véritable guerre menée de l'étranger», se posant comme un rempart contre le «terrorisme qui augmente». Ne reconnaissant donc pas le mouvement de révolte qu'il assimile au passage à du «terrorisme», il a souligné que son régime avait en vain «essayé tous les moyens politiques» pour sortir de la crise. «(…) Ceux responsables du terrorisme ne sont pas intéressés par le dialogue ou les réformes. Ils sont chargés d'une mission et ne s'arrêteront que s'ils l'accomplissent ou si nous arrivons à les arrêter», a-t-il martelé. Bachar Al Assad a assuré, à ce propos, qu'«il n'y aura pas de compromis dans la lutte contre le terrorisme et ceux qui le soutiennent. La sécurité de la nation est une ligne rouge», écartant tout dialogue avec les opposants liés à l'étranger. L'allusion est faite notamment au Conseil national syrien (CNS), la principale composante de l'opposition, basé à l'étranger, qui refuse à son tour tout dialogue avant le départ de Bachar Al Assad. Risque d'extension de la guerre La communauté internationale a multiplié ces derniers jours les mises en garde contre une «guerre civile totale» en Syrie, même si elle est divisée sur la façon de régler le conflit. Alors que certaines nations militent en faveur d'une solution politique négociée, d'autres sont favorables à une attaque contre le régime syrien. A l'instar de l'Allemagne, de nombreux pays craignent néanmoins qu'une intervention militaire provoque une extension du conflit à toute la région. Leurs craintes se tiennent d'autant que Damas a déjà menacé de jouer cette carte en cas d'agression. Cela expliquerait d'ailleurs pourquoi la Turquie s'est mise récemment en retrait après avoir été le fer de lance de la contestation anti-Assad. La révolte syrienne attise déjà les tensions au Liban voisin où 14 personnes ont été tuées depuis samedi à Tripoli dans des affrontements entre Libanais pro et anti-Assad. Un cessez-le-feu est préconisé dans le plan de sortie de crise du médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe Kofi Annan. Celui-ci est toutefois resté lettre morte. Les violences continuent de tuer malgré la présence de près de 300 observateurs de l'ONU sur le terrain. Ils sont censés surveiller un cessez-le-feu proclamé le 12 avril en vertu du plan Annan. Samedi, 89 personnes ont encore été tuées, dont 57 soldats, selon l'OSDH, le bilan le plus lourd pour l'armée régulière en une journée depuis mars 2011. Mais ce bilan n'a pu être confirmé de source indépendante ou par le régime. Face à l'escalade, le chef de la diplomatie saoudienne Saoud Al Fayçal, dont le pays est très critiqué du régime syrien, a accusé Bachar Al Assad de «manœuvrer» pour «gagner du temps». Présent aussi à Jeddah, le patron de l'ONU Ban Ki-moon a dit avoir pris acte des demandes de la Ligue arabe de fixer un calendrier pour l'application du plan Annan et de recourir au chapitre VII de sa charte pour imposer la rupture des liens diplomatiques et des sanctions à la Syrie. Il a dit souhaiter qu'elles soient «discutées par le Conseil de sécurité».