Si la gauche est assurée, selon les sondages, de remporter les élections législatives en France, dont le premier tour se déroulera demain dimanche, il est moins sûr que le parti socialiste obtienne, à lui seul, la majorité absolue que François Hollande appelle les Français de lui donner pour permettre à son gouvernement de réaliser la politique et les réformes auxquelles il s'est engagé pendant sa campagne présidentielle. Pour ce faire, il lui faudra compter avec le reste de la gauche. Paris. De notre correspondante
Le spectre de la cohabitation gauche-droite à l'Assemblée est le pire scénario pour la gauche présidentielle. A contrario, une victoire obtenue par l'addition de toutes les gauches conduirait les socialistes à composer avec ces sensibilités, à commencer par le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, les Verts sont déjà représentés au gouvernement. Le Front de gauche veut confirmer son avancée et peser sur la politique de la majorité de gauche. Le FG a une «double ambition» : «augmenter le score de la présidentielle» (11,1% pour M. Mélenchon) et «renforcer de manière très sensible le groupe Front de gauche» à l'Assemblée, selon Pierre Laurent (PCF), en passant de 19 à une trentaine d'élus. 289 sièges à l'Assemblée, c'est ce qui assurerait au parti socialiste la majorité absolue et laisserait les mains libres au gouvernement. «Apporter une majorité au changement» a constitué l'axe central de la campagne socialiste. François Hollande a invité, jeudi, les Français à se mobiliser pour les élections législatives et a appelé de ses vœux une majorité «large, solide et cohérente» pour lui permettre d'appliquer son programme. «Le choix qui est posé, c'est de savoir si le projet que j'ai présenté pour les Français va pouvoir être mis en œuvre avec un gouvernement et une majorité, ou si une politique différente va être décidée par les Français», a dit François Hollande. «Cela mérite donc une mobilisation, une participation. Et je demande aux Français, au-delà de leur formation politique, de leur choix, d'y consacrer une part de leur temps dimanche prochain», a-t-il ajouté. Dans la soirée, Jean-Marc Ayrault et Martine Aubry ont appelé à Lille à donner un «coup de collier» et à faire «encore un effort» pour donner au chef de l'Etat une majorité à l'Assemblée nationale. Selon Laurent Fabius : «Ce serait une paralysie si vous avez d'un côté un président et de l'autre une majorité (parlementaire) qui n'en veut pas. Cela ne marche pas !». Avantage à la gauche élargie La gauche pourrait obtenir entre 310 et 347 députés à l'issue des élections législatives, d'après une projection en sièges basée sur les intentions de vote à cinq jours du scrutin, selon un sondage de OpinionWay Fiducial pour Le Figaro et LCI publié mardi dernier. Dimanche, le PS et les divers gauche (DVG) recueilleraient 31%, Europe Ecologie Les Verts (EELV, alliés au PS) 5,5%, et le Front de gauche 8,5%, soit un total de 45% (46% en ajoutant l'extrême gauche), en très légère progression de 1 point par rapport à l'enquête précédente du 25 mai de cet institut. Avec cette estimation, la gauche se rapprocherait de son record historique, atteint en 1988 avec 49,2% des voix, rappelle Jérôme Sainte-Marie du département Opinion de CSA. La droite, elle, est largement devancée avec 33% des intentions de vote. Par ailleurs, selon ce sondage, les Français, dans leur majorité, continuent de souhaiter qu'il n'y ait pas de cohabitation (48% contre 43%). Un autre sondage, réalisé le 5 et 6 juin par BVA pour Le Parisien Aujourd'hui en France, relève que le PS et ses alliés radicaux et DVG font jeu égal avec l'UMP (32%) pour le premier tour des législatives et ne devancent la droite parlementaire qu'avec l'appui d'EELV. BVA souligne que l'équilibre des forces se fait donc à 33% pour la droite parlementaire et à 36,5% pour le PS et ses alliés. Le FN recueille 15,5% des intentions de vote, le Front de gauche 9%, le Modem 3,5%, Lutte ouvrière, le NPA 0,5% et l'Alliance écologiste indépendante 1%. L'UMP sous la menace du FN L'UMP veut garder son autonomie vis-à-vis de l'extrême-droite. Ce qui compte pour l'UMP, c'est d'avoir «le plus de députés possibles», selon Jean-François Copé pour empêcher la gauche de totaliser 3/5 des sièges au Congrès (Assemblée et Sénat réunis) et interdire toute réforme constitutionnelle, notamment le droit de vote des étrangers aux élections locales. «Il faut bien réfléchir à l'idée de donner toutes les clés, tous les pouvoirs sans aucun contre-pouvoir à un seul parti», a martelé pour sa part Alain Juppé. «Quand il n'y a pas de contre-pouvoir, le pouvoir dérape toujours», a-t-il fait valoir. Le grand enjeu pour l'UMP, c'est l'après-législatives et la conquête du leadership en vue de la présidentielle de 2017. Pour le Rassemblement bleu marine de Marine Le Pen, il s'agit d'abord d'éviter une rechute comme en 2002, puis 2007, avec des contre-performances aux législatives dans la foulée de la présidentielle. Son score du 22 avril (17,9%) n'aurait été qu'un coup d'épée dans une mare. Son autre objectif est l'affaiblissement de la droite parlementaire et «la recomposition de la droite». Une participation incertaine La participation s'annonce faible. Elle tournerait autour de 60%, selon plusieurs sources. Alors que l'abstention n'avait été que de 19,7% au premier tour de la présidentielle, les différents instituts estiment qu'entre 30 et 40% des électeurs ne se déplaceront pas dimanche. Or, la participation est un élément fondamental des résultats de ce scrutin, puisque seuls les candidats ayant obtenu un score supérieur à 12,5% des inscrits peuvent se maintenir. Le niveau d'intérêt pour la campagne a été moyen : seuls 57% des Français disent s'y intéresser, contre 61% le 12 juin 2007, juste avant le premier tour.