L'histoire en Algérie est confondue avec la mémoire et n'est pas l'affaire des professionnels », a précisé l'historien et chercheur algérien Mohamed Harbi lors de son passage au Forum mensuel des Débats d'El Watan organisé jeudi 2 mars à l'hôtel Mercure, à Alger. Animant une conférence-débat en compagnie des historiens, tels que Gilles Manceron, Dahou Djerbal, Hassan Remaoun, Mohamed Harbi a insisté sur la réécriture de l'histoire algérienne dans toutes ses dimensions en osant débattre de toutes les formes d'arbitraire l'ayant jalonnée. « Il faut d'abord cerner l'histoire algérienne comme une suite d'acculturation. Il y a nécessité d'une reconstruction critique de mémoire », a expliqué l'orateur. Pour lui, le recours à la mémoire doit prendre en considération trois séquences essentielles, en l'occurrence la précoloniale, la coloniale et la postcoloniale. Ceci pour découvrir dans le passé la forte émergence des idées de la démocratie, des libertés et les formes d'arbitraire. « C'est ce qui a été fait par les pays voisins, la Tunisie et le Maroc », a-t-il souligné. Retraçant les différentes pensées du fait colonial en Algérie, l'historien a précisé qu'il faut jeter un regard critique sur les échecs enregistrés et les rapports entre l'Etat et le citoyen dans toute conception de l'histoire nationale. Le problème du rapport entre l'histoire et la mémoire ne se pose pas, selon Dahou Djerbal, à partir d'une loi votée par un pays étranger, mais il doit être posé par nous-mêmes et réglé entre nous. Dans la foulée, M. Djerbal a évoqué la question de l'arbitraire et de la violence existant déjà au sein du FLN et au sein de l'ALN, la violence fratricide FLN-MNA. « Ces problèmes seront-ils inscrits dans notre histoire ? », s'est interrogé Dahou Djerbal, soulevant au passage les assassinats politiques dont étaient victimes de nombreux responsables de la révolution nationale. Dahou Djerbal a également mis l'accent sur les contre-vérités enseignées aux élèves dans les écoles algériennes. Dans sa réponse, Mohamed Harbi a avancé quatre types de violence. Il cite d'abord la violence autour de la légitimité du pouvoir, héritée de l'histoire du mouvement national. « Je connais des gens qui ont été tués par acte politique », a-t-il lancé. Ensuite, le conférencier cite la violence des communautés, dont les équilibres ont été bousculés par le FLN. Le troisième cas est la compétition entre factions pour le contrôle des forces armées. Et enfin, M. Harbi a soulevé la question des règlements de comptes entraînée par la militarisation. En fait, la séance débat ouverte au public était très enrichissante. Des commentaires, des questions et des explications ont été soulevés par un public avide de ce genre de rencontres. L'historien français Gilles Manceron a été submergé par des questions des intervenants, le prenant pour un représentant de la France officielle. Il a fallu l'intervention de Mohamed Harbi pour apaiser les esprits d'un public, semble-t-il, très sensible à tout ce qui a rapport avec l'histoire de l'Algérie et la France. « Gilles Manceron n'est pas un représentant de la France officielle », a déclaré M. Harbi à l'adresse du public.