-On assiste à une grave pénurie de ciment sur le marché et lorsque ce produit existe, il est vendu très cher. Votre cimenterie est-elle responsable, directement ou indirectement, de cette situation inquiétante ? Il faut dire que nous menons un sérieux travail à notre niveau pour rendre le ciment disponible et le vendre à son prix réglementé. Ainsi, nos prix n'ont pas augmenté depuis le 24 novembre 2009. Nous continuons à vendre le sac de 50 kg à 288 DA l'unité en hors taxe. En contrepartie, nous avons notre marge bénéficiaire qui a depuis cette date sensiblement baissé, et ce, suite à la sérieuse augmentation des coûts de production. Entre 2009 et 2012, il y a eu, faut-il le dire, l'effet inflation causé par les importantes augmentations des salaires touchant plusieurs secteurs. Aussi, nos équipements, qui sont en acier, sont tributaires également du cours boursier, car l'acier est coté en Bourse et son prix est en constante fluctuation. Toutes ces données parmi tant d'autres nous pénalisent en tant que producteur et opérateur économique. Mais une chose est sûre, nous n'avons pas répercuté cela sur nos prix, car ces derniers n'ont pas augmenté d'un seul centime. Pour garder le produit disponible et éviter justement la spéculation, nous nous préparons à chaque arrêt technique et obligatoire de la cimenterie pour les besoins de la maintenance. Dans ce genre de situation, nous stockons, en amont, le ciment afin de l'écouler lorsque l'usine est en arrêt. Dernièrement, on a fait un arrêt technique de 10 jours sans pour autant causer la moindre perturbation à notre régie commerciale. Il y aura un autre arrêt au mois de novembre prochain et nous pensons, dès maintenant, à assurer la disponibilité du ciment durant ce temps consacré à la maintenance. Pour lutter aussi contre la spéculation, on travaille surtout et directement avec les entreprises en charge de réaliser les grands projets relevant du plan quinquennal présidentiel. Il s'agit notamment de projets concernant les logements ou les ouvrages d'art. Ainsi, 65% du ciment produit par notre société est écoulé en vrac et à destination de ces entreprises de réalisation. Il serait plus intéressant pour nous de privilégier le sac vu sa rentabilité mais nous avons opté pour le vrac, car il y a moins de chance de spéculation comparativement au sac. Nous produisons 4500 à 5000 tonnes de ciment /jour. Pour mieux répondre à la demande du marché local et les exigences liés au développement du secteur de l'habitat et des travaux publics, nous comptons augmenter notre production pour dépasser 1 million de tonnes en 2012, contre 930 000 tonnes en 2011. La production ne cesse d'augmenter depuis l'entrée comme actionnaire, en 2008, du groupe mondial Lafarge qui détient 35% des actions de la cimenterie (les autres actions sont détenues par le groupe industriel des ciments d'Algérie GICA). Un pari assez difficile pour 2012, une année qui a connu au mois de février dernier une vague exceptionnelle de froid et de neige, ce qui a sérieusement perturbé le fonctionnement de notre société. Les manifestations du mois de mai et la fermeture de l'accès à l'usine n'étaient pas aussi sans conséquences négatives sur la rentabilité de la cimenterie. Mais avec notre sens du défi, nous prévoyons donc une production record en 2012 et les prémices de cela nous sont déjà visibles. Il est toutefois utile de vous informer que la cimenterie de Meftah peut dépasser le seuil de deux millions de tonnes de ciment produit par an. Mais cela nous demandera l'utilisation, d'une manière intensive, des réserves de calcaire. Avec une utilisation pareille, les réserves vont s'épuiser dans dix ans. Notre but est de maintenir une cadence de travail qui durera jusqu'à 25 ans afin de pérenniser l'emploi et éviter toutes sortes de répercussions sociales négatives. -Qui est donc responsable de la spéculation ? Une chose est sûre, ce n'est pas nous, pour la simple raison que je vous ai déjà cité, tout ce qu'on fait pour contrecarrer, à notre niveau déjà, ce phénomène. Ce qui se passe dans le marché comme spéculation, là je peux vous dire que cela nous dépasse. C'est le travail du ministère du Commerce et des services des fraudes qui sont censés enquêter sur les spéculateurs et où résiderait la faille. Pour vous dire, nous n'avons même pas le droit de sanctionner les revendeurs de ciment qui étalent ce produit à quelques mètres seulement de la cimenterie. -Avez-vous des projets à venir ? Nous avons d'ambitieux projets pour moderniser davantage et sur tous les plans notre société, forte de ses 700 employés. A titre d'exemple, nous avons un programme de mise à niveau de notre entreprise, et dont le coût est estimé à cinq milliards de dinars. Il s'agit de renouveler certains équipements et introduire avec plus d'efficacité la notion de la gestion environnementale. 600 millions de DA seront consacrés à la mise en place d'un nouveau filtre, appelé filtre à manche pour le dépoussiérage et le traitement des fumées. Nous allons instaurer, fin 2012, l'audit environnemental afin de minimiser, au maximum, les effets de la pollution. Nous projetons aussi la création d'espace vert et de loisir dans l'enceinte même de la cimenterie, une manière de dire que le ciment et l'environnement peuvent cohabiter ensemble s'il y a vraiment une volonté de le faire. Dans ce sens, notre réelle ambition est d'avoir une certification environnement. Dernièrement, notre cimenterie a sponsorisé et financé un programme d'embellissement et de nettoyage de la ville de Meftah ; une opération citoyenne initiée par l'APC de Meftah et qui a créé plusieurs postes d'emploi. Par ailleurs, nous projetons de généraliser l'automatisme chez nous. Cela afin de prévoir notamment les pannes avant qu'elles n'arrivent. Il s'agit là d'une planification interne et intelligente. Son but est de réduire considérablement le temps d'arrêt de l'équipement et donc optimiser au maximum la production. On sera aussi, dans quelques mois, la première cimenterie en Algérie à avoir recours à l'utilisation du logiciel JD Edwards, lequel permettra aux dirigeants de la société des ciments de la Mitidja d'avoir mensuellement, et d'une manière efficace, l'état financier de cette société afin de mieux la piloter et rendre ainsi sa gestion plus rigoureuse, donc une meilleure gestion des coûts. Parmi nos autres projets aussi, nous lancerons prochainement une nouvelle ligne pouvant produire jusqu'à 2000 tonnes/ jour (700.000 tonnes/ an). -Quelle est la part de marché de la cimenterie de Meftah ? Actuellement, nous avons une part de marché estimé à 5% par rapport à la production totale de toutes les cimenteries d'Algérie, lesquelles produisent 20 millions de tonnes annuellement. La cimenterie de Meftah produit du bon ciment depuis sa création dans les années 1970. Il est tant apprécié pour sa bonne qualité. Il a été d'ailleurs utilisé, entre autres, pour la construction du fameux Riadh El Feth, de l'université de Bab Ezzouar (USTHB), une partie du métro d'Alger ainsi que tout ouvrage d'art construit au centre du pays par l'Entreprise nationale des grands ouvrages d'art (ENGOA). Depuis 2008, nous bénéficions du savoir-faire de la multinationale Lafarge pour ce qui est notamment de la gestion et du management. Ainsi, nous avons recruté douze ingénieurs que nous les avons envoyés dans plusieurs sites de Lafarge dans le monde afin qu'ils apprennent leur know-how. Aussi, nous prévoyons un jumelage avec plusieurs cimenteries dans le monde et dont Lafarge est actionnaire. Bref, notre but est d'être une entreprise citoyenne au service de l'économie nationale et du simple citoyen.