René Buchler est le coordinateur pour l'Afrique du Nord de l'initiative industrielle Desertec (Dii). Dans cet entretien accordé à El Watan Economie, ce responsable basé à Tunis, qui a déjà longtemps travaillé en Algérie et en Tunisie, a passé en revue les points-clés du partenariat liant le Consortium Desertec à l'Algérie. -L'étude «Desert Power 2050» qui a été présentée, le 21 juin, par l'initiative industrielle (Dii), à Munich, dispose-t-elle de données spécifiques sur l'Algérie ? Cette étude a pris en compte le potentiel naturel de chaque pays de l'Afrique du Nord, du Moyen-Orient et de l'Europe (Eumena). Elle a tenu compte de plusieurs paramètres. Ce qui en est sorti, c'est que l'Algérie a un potentiel de production d'énergie renouvelable formidable. L'étude a montré qu'au lieu que les pays de l'Eumena se développent chacun pour soi, ils bénéficieront d'un réseau d'interconnexion global. Ceci permettra un échange d'électricité entre eux et une optimisation des ressources. Tous ces pays peuvent bénéficier de la mise en place d'un système électrique intégré. Le but est de développer une stratégie globale. A long terme, l'objectif est de mettre en place un cadre permettant la création de conditions réglementaires favorables, à la conduite d'études spécifiques à chaque pays et à la mise en place de projets de référence. -Selon l'étude «Desert Power 2050», grâce au projet Desertec, la région MENA réalisera une recette de 63 milliards d'euros par an tirés des exportations d'énergies renouvelables vers l'Europe. Peut-on avoir une idée sur ce qu'engrangera l'Algérie comme recettes liées aux exportations d'énergie verte ? Nous n'avons pas de chiffres par pays. Cela dit, sachant que la région MENA réalisera 63 milliards d'euros par an d'exportation d'énergie verte, il est clair que l'Algérie en profitera également. En effet, notre étude montre que l'Algérie a le potentiel de devenir un grand producteur d'énergies renouvelables, et peut non seulement bénéficier de la création d'un large secteur d'exportation, mais également de l'installation de capacités de production supérieures à la demande locale, lui garantissant une grande sécurité énergétique tout au long de l'année. -Y a-t-il des entreprises qui ont été convaincues par l'initiative industrielle Desertec à même d'investir dans les énergies renouvelables en Algérie ? Je citerais en premier lieu nos 55 entreprises partenaires issues de 15 pays différents qui sont de renommée mondiale. Ce sont elles qui financent nos initiatives au moyen d'un système de cotisation. Ce sont elles qui définissent notre champ d'action. L'objectif est d'ouvrir les marchés. Nous avons un mandat limité à 2012 qui a été prolongé à 2014 pour mettre les projets sur les rails et lever toutes les contraintes. Il s'agit, par exemple, de la question des coûts et de la réglementation régissant l'exportation d'énergie verte à grande échelle. La mise en œuvre d'un cadre réglementaire pour l'électricité issue des déserts est un défi majeur à relever dans les prochaines années. Le but est d'élaborer des recommandations, en particulier en ce qui concerne les mesures à prendre sur le plan réglementaire dans les prochaines années. Un des principaux objectifs de cette étude est de démontrer que l'électricité produite dans le désert est moins chère, propre et durable. En 2050, le coût de l'énergie verte sera inférieur à celui de l'énergie fossile. Cependant, ces énergies ne sont pas encore suffisamment rentables actuellement à grande échelle. Malgré une importante réduction des coûts de production des énergies renouvelables durant ces dernières années, celles-ci restent peu compétitives comparées aux énergies conventionnelles. Cela nécessite un recours à des subventions et des investissements. Des pays partenaires (à l'image de l'Allemagne, de l'Italie, du Luxembourg et de bien d'autres) ont affirmé leur engagement pour apporter un coup d'accélération à nos projets. -Il y a un peu plus de six mois, le groupe Sonelgaz et l'initiative industrielle (Dii) ont signé un mémorandum d'entente à Bruxelles pour la promotion commune des énergies renouvelables en Algérie et à l'international. Qu'est-ce qui a été réalisé concrètement depuis la signature de cet accord ? Le protocole d'accord signé en décembre est très vaste et permet de définir beaucoup d'axes de partenariat avec notre partenaire Sonelgaz. Cet accord de coopération est très important. Il englobe un très large éventail de coopération. Cette coopération porte, entre autres, sur un transfert de technologie tant dans la sphère industrielle qu'universitaire. -Sonelgaz et l'initiative industrielle Desertec (DII) ont aussi signé un protocole d'accord pour lancer un projet en commun de production d'électricité renouvelable de 1000 MW. Peut-on avoir une idée sur le coût du projet, sur son montage financier et d'autres détails ? Une étude sera faite et sera achevée vers la fin de l'année portant sur un projet de référence d'un gigawatt en Algérie. Cette étude déterminera si ce volume correspondra à un ou plusieurs projets de centrales de production d'énergies renouvelables. Le but est de lancer un projet de référence pour les investissements futurs. Ce projet de référence à l'étude a une vocation inédite qui consiste en l'exportation vers l'Europe de 90% de l'énergie verte produite (les 10% restants seront dédiés à la consommation domestique algérienne). C'est un terrain nouveau. Une chose est sure c'est que ces projets ne seront pas limités à une seule technique, mais ils combineront différentes technologies de production d'énergie propre. Les énergies pouvant rentrer en compte sont l'énergie photovoltaïque (PV) et l'énergie solaire thermique à concentration (CSP), ainsi que l'éolien offshore et terrestre. Les centrales seront situées dans les zones en Algérie regroupant les ressources et conditions idéales pour la production d'énergies renouvelables. Quant aux coûts d'investissement, c'est un des aspects sur lesquels nous travaillons actuellement avec Sonelgaz. Il reste six mois pour terminer l'étude permettant de lancer le projet. Le délai compris entre la mise en chantier des centrales et la production effective d'électricité dépend de la technologie choisie et donc peut durer de quelques mois à 2 ou 3 ans. -Quelles sont les garanties que l'Algérie bénéficiera d'un transfert de la technologie dans la concrétisation des projets dans le cadre de Desertec ? Il y a deux manières de faire : la première consiste à exiger un tel transfert de technologie dans les appels d'offres. Une autre approche est aussi possible : inciter et attirer les investissements permettant, par exemple, la fabrication des composants. C'est un volet qui sera pris en compte dans l'étude qui est en cours.