La mise à exécution de la décision d'expulsion des 45 retraités de l'éducation nationale et leur famille des logements de fonction qu'ils occupent est entrée dans sa phase active depuis mardi dernier. Elle a été mise en application dans toute sa rigueur par des huissiers de justice assistés par des éléments du service du maintien de l'ordre. Cri de colère, révolte et désespoir des pères de famille, pleurs et évanouissements des femmes et incompréhension des enfants ont caractérisé le début de cette opération d'expulsion. Sous les regards étonnés et réprobateurs des passants, ces retraités, leur famille et leurs biens ont été mis à la rue en application de décisions de justice émises par différents tribunaux de la wilaya de Annaba. Des décisions dont l'application aurait été suspendue pour, selon des responsables de la direction de l'éducation de la wilaya, permettre aux concernés de chercher un logement. « Par quel miracle peut-on aujourd'hui disposer d'un logement à un prix en rapport avec notre pouvoir d'achat. Durant toute notre vie de travail, nous n'avons fait que nous occuper de nos élèves pour préparer l'avenir de l'Algérie. Trente-quatre années après, on nous met à la rue sans tenir compte de notre passé professionnel encore moins de notre situation sociale. Où vais-je aller avec ma famille et qu'allons-nous devenir face à cette mesure draconienne d'expulsion. Nous avons pris attache avec le wali qui s'est engagé à nous attribuer des logements sociaux pour une solution définitive à ce problème. Le seul engagement appliqué semble être notre expulsion par la force », a déclaré Mme Bounour Kasmi anciennement professeur au CEM Babou Chérif à Val Mascort. Etouffé par une crise de tension artérielle, Amar Ourari est également un retraité du CEM Souidani Boudjemaâ. Comme ses autres collègues, il avait sacrifié sa vie au service de l'enseignement. Sentiment d'injustice Avant d'être évacué vers le service des urgences du centre hospitalo- universitaire Ibn Sina, il avait réussi à marmonner quelques phrases à l'intention de ses enfants en bas âge. Sa voix ressemblait beaucoup plus à un râle qu'à celle d'un homme qui avait confiance en les engagements des représentants de l'Etat. « Alors que nous étions en poste, nous avions tenté de constituer un dossier de demande d'attribution de logement. Sur l'imprimé remis par l'opgi, il était mentionné que tout attributaire d'un logement de fonction ne peut prétendre à un logement social. C'est pourquoi, toujours respectueux des lois de notre pays, nous nous sommes interdit de le déposer. Aujourd'hui et après tant d'années de bons et loyaux services ponctués d'une retraite de misère, on nous expulse comme si nous étions des pestiférés. Pourtant, lors de la visite de travail et d'inspection à Annaba, Boubekeur Benbouzid, que nous avons réussi à approcher, nous a clairement laissé entendre que pas un seul retraité n'ayant pas de logement ne sera touché par la mesure d'expulsion. C'est tout le contraire qui nous arrive. Avec ma famille, je n'ai pas où aller et ce n'est pas ma maigre pension de retraite qui pourrait servir à solutionner mon problème de logement », a déclaré M. Ourari. Du côté des syndicalistes du secteur, c'est motus et bouche cousue. Les représentants de cette catégorie de travailleurs ne semblent pas prêts à apporter un quelconque secours à leurs anciens compagnons de route dans le secteur de l'éducation. « De quel syndicat vous voulez parler ? Il n'y en pas en ce qui nous concerne. Nous, qui avons été pressés comme des citrons durant notre vie professionnelle, voilà qu'on nous jette à la rue sans que aucune voix intervienne pour nous aider. Nous n'avons pas les moyens de louer un appartement et encore moins de payer un pas-de-porte. Et même si on le voulait, avec quel argent puisque notre pension nous permet tout juste de satisfaire les besoins élémentaires de nos familles ? » Sur la place publique, le sentiment d'injustice est général. Les citoyens grondent, s'inquiètent et condamnent cette mesure d'expulsion d'une catégorie de travailleurs oubliée par le système politique. Atteints de différentes maladies chroniques dont le diabète et l'hypertension, bon nombre de ces enseignants retraités expulsés risquent de voir leur état de santé s'aggraver.