Sur la sellette depuis un bon moment et après diverses menaces d'expulsion, c'est la venue d'un huissier pour faire exécuter les décisions de justice. Des centaines de familles sont brutalement mises à la rue, sans autres perspectives ni solutions au niveau national dont 69 familles uniquement à Alger. Et le cauchemar continue toujours car d'autres familles sont en sursis d'expulsion, comme une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. La galère des familles frappées par les mesures d'expulsion des habitations qu'elles occupaient continue dans l'indifférence totale des autorités publiques Ces expulsions sont vécues comme un traumatisme pour les familles concernées. “On vous prend toutes vos affaires, on vous jette dehors comme des sacs d'ordures. Certains résident dans ces logements depuis plus de 40 ans et certains y sont nés”, se plaint l'un des expulsés du centre des filles 2 de Birkhadem. Leurs affaires jetées dehors, ces familles ne savent pas où dormir. “Même si nous avions été prévenus depuis longtemps, nous ne pouvons sortir dans la rue. Nous n'avons nulle part où aller. Nous sommes dans des biens appartenant à l'Etat, ce dernier devrait nous trouver des solutions avant de nous jeter à la rue comme des chiens. La majorité de ces familles n'ont jamais bénéficié de logements et ceux qui disent le contraire qu'ils le prouvent”, racontent des expulsés rencontrés au siège de la Ligue algérienne des droits de l'homme. Ils répondent aux déclarations des responsables de différentes institutions de l'Etat qui expliquent que certaines de ces familles ont eu des logements qu'ils ont revendus. “C'était comme un cyclone. Je n'ai jamais vu autant de violence. Une famille composée de 21 personnes se retrouve à la rue avec des enfants, une femme enceinte et des personnes âgées en plein mois de Ramadhan. Nous sommes hébergés chez des gens mais cela ne va pas durer longtemps. L'Etat nous a malmenés et considérés comme des animaux”, s'indigne le responsable d'une famille expulsée d'un logement de fonction. “Moi, je n'arrive pas à comprendre comment je me suis retrouvé SDF du jour au lendemain ? J'habite dans une maison à Hussein Dey depuis 1969. J'ai loué cette maison et je paye toutes mes charges au ministère des Affaires religieuses dont je dépendais avant. Subitement, j'apprends que le domicile est réclamé par les soi-disant héritiers. Un huissier de justice se présente chez moi avec une décision de justice d'expulsion. Aujourd'hui, il ne me reste que mes yeux pour pleurer sur mon sort avec les neuf membres de ma famille”, enchaînera un autre. Devant le silence des pouvoirs publics, la LADDH a mis en place, depuis le mois de juillet, un comité “SOS familles expulsées”. “La situation est dramatique. Nous dénonçons ces expulsions qui augmentent de jour en jour. Ce qui se passe aujourd'hui en Algérie est catastrophique. Nous recevons de plus en plus de familles venues de différentes régions d'Algérie pour dénoncer les expulsions dont elles sont victimes. Le plus choquant, c'est le fait d'ignorer la loi qui interdit d'expulser les personnes âgées de plus de 60 ans”, nous expliquera Salmi Hakim, le porte-parole du comité, lui-même victime d'expulsion d'un logement de fonction. En effet, une vieille dame de 104 ans se retrouve à la rue, aujourd'hui, dans la ville de Souk Ahras, d'autres âgées entre 78 et 98 ans, dont l'une, âgée de 86 ans, est décédée juste après son expulsion. Une autre vieille femme de 81 ans, à Baïnem, a été mise à la rue et son fils en prison, accusé de violation de domicile, parce qu'il a osé défier la décision de justice en cassant la porte de la maison et en essayant de s'y introduire. Quand au bilan, il risque de s'alourdir davantage car, en plus de 11 familles retraitées, expulsées des logements de fonction à Miliana, 22 autres sont en voie d'expulsion à Ghazaouet et 6 à Staouéli. Même les fonctionnaires de l'Etat ne sont pas épargnés. Nous vous citerons le cas d'un ex-gendarme à Boumerdès qui, après 30 ans de loyaux services, se retrouve à la rue avec sa famille. “À qui la faute ?”, s'interrogera notre interlocuteur. “Il y a tout simplement absence de rigueur et de moralité. Et c'est la cause pour laquelle, nous avons créé ce comité. Nous voulons attirer l'attention et interpeller les autorités concernées”, ajoutera-t-il, avouant également que la situation est alarmante et compliquée car des centaines de gens sont expulsées quotidiennement, soit de logements de fonction dépendant des ministères, soit de propriétés privées ou des OPGI. Mais, le plus dramatique est lorsque ces opérations se déroulent en période scolaire. “La seule solution qui nous reste est de saisir l'Unicef. Nos enfants sont traumatisés et nous ne savons plus comment les scolariser. Puisque nous n'avons plus de toit”, dénoncera une mère de famille en larmes. “L'Etat est solidaire avec toutes les populations étrangères sauf avec sa propre population”, enchaîne un vieillard. “Il est temps pour l'Etat de prendre ses responsabilités. Qu'il s'agisse de logements de fonction, de biens de l'Etat ou d'expropriation, ce problème doit être réglé et l'Etat à les moyens pour le résoudre”, nous expliquera encore une fois Salmi Hakim, porte-parole du comité. Il est à signaler que certaines familles ont été relogées, comme la famille expulsée du centre des personnes âgées de Bab Ezzouar. Quand aux autorités publiques, c'est le silence total sur ces expulsions. Nous avons sollicité le ministre de la Solidarité nationale pour un entretien relatif à ce problème, nous n'avons pas reçu de réponse. Pour le wali d'Alger, il est injoignable. Quand aux présidents des APC, ils se lavent les mains et déclarent qu'ils ne sont pas concernés par ces opérations. En attendant, c'est un grand point d'interrogation sur l'avenir de ces expulsés dont le nombre augmente de jour en jour.