Les participants, conférenciers et intervenants au colloque «Algérie-France : comprendre le passé pour mieux construire l'avenir», organisé, avant-hier, par le Sénat français, ont unanimement appelé le président français, François Hollande, à prendre l'initiative de «reconnaître les méfaits de la colonisation française en Algérie». L'occasion de la commémoration du cinquantenaire de l'indépendance algérienne est, selon eux, le bon moment pour «le changement radical de la position de la France officielle concernant son passé colonial» en reconnaissant «les exactions de l'armée française commises contre le peuple algérien». Plusieurs citoyens algériens et français, présents dans la salle Clémenceau, accueillant le colloque, ont réclamé que soient «interdites les commémorations d'hommage à l'OAS» et de «bannir les textes de loi qui prônent le rôle positif de la colonisation» comme la loi du 23 février 2005. Justement, l'historien Olivier Le Cour Grandmaison, qui était parmi les premiers à dénoncer et à critiquer cette loi avec acharnement, pense que le bon choix à faire pour la France est de suivre le «chemin opposé» à ce genre de lois. «Les nouvelles autorités françaises s'honoreraient de reconnaître que le France officielle ait fermé l'œil sur des crimes de guerre et contre l'humanité en Algérie de 1830 à 1962», a-t-il déclaré. Refusant, pour la plupart d'utiliser le terme «repentance», les conférenciers ont néanmoins insisté sur la «nécessité» voire la «vitalité» d'une vraie réconciliation entre les deux pays liés par 182 ans d'histoire commune. Pour cela, ils font appel au président français, fraîchement élu, à prendre le dessus sur ses prédécesseurs en faisant un geste de reconnaissance des «souffrances qu'a endurées le peuple algérien engendrées par la machine colonialiste française». Dans ce sens, le chercheur émérite au CNRS, Pascal Blanchard, se réjouit qu'«il y ait une avancée sur la voie de la réconciliation. Il y a 50 ans, on se tuait, aujourd'hui on se parle». Spécialiste en communication politique, il affirme que «le travail d'histoire est bien fait. Les historiens ont fait le boulot. Maintenant, c'est aux hommes politiques de faire le leur, des deux côtés, français et algérien». Mais, dit-il, «il faut une décision politique forte» pour pouvoir passer à une autre étape dans les relations franco-algériennes. Et c'est à Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de la Défense et président de l'association France-Algérie, de «rassurer» tout le monde : «Le président de la République, François Hollande, avec lequel je me suis entretenu, est bien prêt pour défendre les intérêts de la France avec l'Algérie.» De son côté, Denis Bouchard, diplomate et ancien président de l'Institut du monde arabe, assure que «Hollande aime l'Algérie qu'il connaît très bien. Il a même fait son stage pratique à Alger quand il était encore étudiant à l'Ecole de l'administration, ENA». Cette volonté de réconciliation est aussi exprimée par Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre algérien. «Je prône la réconciliation entre la France et l'Algérie. Des relations plus importantes et un partenariat économique plus fort feront du couple franco-algérien le moteur de développement de la Méditerranée occidentale, comme fut le couple franco-allemand pour l'Union européenne». Dire la vérité sans repentance ! Bien que le colloque ait traité beaucoup de thèmes comme la mémoire et l'écriture de l'histoire, la question d'exploitation des archives par les historiens, la question des harkis, etc., le sujet phare, qui a pris la part du lion des débats, est la question de la «repentance». Concluant les travaux du colloque, Claude Domeizel, président du groupe d'amitié France-Algérie du Sénat, a rappelé les engagements du «candidat Hollande» qui aurait déclaré qu'«il faut que la vérité soit dite. Sans repentance ni mise en accusation particulière. Reconnaître ce qui s'est produit (…) la France se grandit en reconnaissant ses fautes. La France du XXIe siècle, que je souhaite construire avec les Français, a besoin d'une mémoire apaisée». Depuis sa tribune, M. Domeizel lance un appel en s'adressant directement au «président Hollande», cette fois-ci. «Il est dans mon rôle de président de groupe d'amitié de lui dire combien il est important d'être clair sur le sujet de l'Algérie. Beaucoup de nos compatriotes attendent des mots d'apaisement et de réconciliation. Nos amis algériens attendent un message de la France. Pas une repentance, pas une contrition. Simplement une reconnaissance des erreurs que nous avons pu commettre», a-t-il lancé.