Mme Hélène Legal, conseillère «Afrique» à l'Elysée, et le «Monsieur Sahel» du Quai d'Orsay, Jean Félix Paganon, arriveront aujourd'hui à Alger. Le «front» du Mali inquiète au plus haut point les pays voisins, mais aussi les puissances occidentales qui redoutent à juste titre la sanctuarisation du Sahel par les différents groupes terroristes qui y opèrent. La tension est telle que certains pays, notamment ceux de la Cédéao, souhaitent urgemment une intervention militaire dont les formes devraient être clarifiées si possible via un mandat de l'ONU. Mais tout le monde n'est pas sur cette longueur d'onde. A commencer par l'Algérie, qui continue de défendre la fameuse «solution politique» qui consisterait à négocier avec les parties en conflit, dont les redoutables Ançar Eddine qui mènent une opération malsaine de destruction des symboles de l'islam populaire. Mais le plan paraît plus simple à dessiner qu'à être appliqué, a fortiori dans un pays en proie à un équarrissage provoqué par une flopée de groupes terroristes et indépendantistes qui sont loin de partager les mêmes objectifs. En l'occurrence, il est pour le moins prétentieux de prétendre vouloir faire la paix entre les terroristes du Mujao, dissidents d'AQMI, le MNLA, un mouvement politique non violent qui veut se détacher de Bamako, et Ançar Eddine, attaché à l'unité du Mali mais s'inscrivant dans une perspective «talibane». Difficile en effet de rabibocher tout ce «beau» monde autour de l'intégrité territoriale du Mali, à supposer que ce soit là le véritable problème. Faut-il alors continuer à palabrer avec des «envoyés spéciaux» qui ne représentent qu'eux-mêmes, pendant que les terroristes prennent possession des lieux dans le nord du Mali, à une portée de fusil des frontières algériennes ? Quel crédit peut-on donner à un engagement, aussi «sympathique» soit-il, d'un membre de Ançar Eddine de négocier la paix au Mali ? Mais surtout à quel prix cette éventuelle paix sera-t-elle négociée ? Avec qui négocier ? Si l'on démarre du postulat que ce mouvement touareg «wahhabisé» n'envisage rien d'autre au Mali qu'une «dawla islamia» façon taliban, on ne peut miser un franc CFA sur ces engagements, fussent-ils solennels. Pourtant, la diplomatie algérienne semble prendre pour argent comptant cette promesse de quelques modérés, parmi la faune de radicaux dans le maquis malien, de montrer patte blanche. Une perspective de règlement du conflit qui, pour laborieuse qu'elle paraît, n'en enchante pas moins les Etats-Unis. Pays pivot dans la recherche de la solution à ce conflit, l'Algérie multiplie les contacts pour rapprocher les points de vue. Et ça plaît beaucoup aux Américains, mais aussi aux Russes et aux Chinois. Poudrière Hier, le ministre délégué chargé des Affaires africaines, Abdelkader Messahel, a reçu successivement les ambassadeurs des Etats-Unis, de Chine et de Russie. Objet ? Faire le point de la situation au Mali et examiner la conduite à tenir à la lumière des évolutions récentes.Au même moment, le secrétaire d'Etat adjoint pour les Affaires africaines Johnnie Carson, le chargé de l'Afrique auprès de l'Agence américaine pour le développement international (USaid) Earl Gast, ainsi que les experts des affaires africaines Nii Akuetteh et Rudolph Atallah, appuyaient devant la Chambre des représentants du Congrès américain la feuille de route algérienne. Ces experts américains développaient l'argumentaire algérien selon lequel il y aurait encore de la place à la solution négociée avec les «modérés» d'Ançar Eddine. Pour ce faire, il faudra qu'il y ait «un interlocuteur», voire «un gouvernement» à Bamako capable de négocier. C'est ce que tenteront de réaliser les pays de la Cédéao, samedi prochain au Burkina Faso, a promis hier le président guinéen, Alpha Condé, de passage à Paris. Il s'agira concrètement de mettre en place un gouvernement d'union nationale à Bamako en mesure de prendre les décisions. C'est dire que la formation d'un gouvernement fort à Bamako est la condition sine qua non pour valider les deux options de travail (la négociation ou l'action armée). En effet, seul un gouvernement fort est à même de légitimer une éventuelle intervention militaire au Mali sous mandat de l'ONU et de l'UA, à laquelle les pays de la Cédéao appellent de leurs vœux. Cette procédure offre une sorte de couverture «locale» à une opération forcément étrangère destinée à mettre hors d'état de nuire les groupes terroristes. Mais dans cette poudrière qu'est devenu le Mali, rien ne garantit non plus que les éventuelles frappes seraient «chirurgicales», comme ce fut le cas en Afghanistan, en Irak et ailleurs.