L'émissaire pour la Syrie, Kofi Annan, s'est entretenu hier en Iran, solide allié de Damas, des moyens de mettre un terme à la crise en Syrie, au moment où des navires de guerre russes se dirigeaient vers le port syrien de Tartous, base navale vitale pour Moscou en Méditerranée. Cette visite intervient au lendemain d'une rencontre à Damas entre M. Annan et le président syrien Bachar Al Assad, qui ont convenu d'une nouvelle «approche» de la crise qui a fait plus de 17 000 morts en près de 16 mois, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).L'opposition syrienne a, de son côté, critiqué la rencontre Annan-Assad, estimant que l'échec de la mission de M. Annan appelait une action internationale urgente et des mesures contraignantes de l'ONU pour faire cesser la répression. Officiellement accepté par le régime et par l'opposition il y a trois mois, le plan Annan est jusqu'à présent resté lettre morte. Les violences sur le terrain se sont paradoxalement intensifiées depuis l'entrée en vigueur officielle du cessez-le-feu, le 12 avril, selon l'OSDH. Malgré la multiplication des réunions et des déclarations, les violences ne faiblissent pas à travers le pays, faisant encore 13 morts hier et des bilans qui avoisinent la centaine chaque jour. La Russie, acteur incontournable sur le dossier syrien qui refuse jusqu'à présent de lâcher le régime du président Bachar Al Assad, a appelé à une nouvelle réunion du «groupe d'action» sur la Syrie. La dernière réunion de ce groupe fin juin à Genève a prôné un processus de transition prévoyant la formation d'un gouvernement réunissant des représentants du pouvoir et de l'opposition, sans mentionner le départ d'Al Assad réclamé comme un préalable par l'opposition. Or, le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a rappelé hier son refus de toute négociation sur une transition avant le départ du Président contesté, un point qui sera évoqué lors de la visite, aujourd'hui, du chef du CNS, Abdel Basset Sayda, à Moscou à la tête d'une délégation. L'Iran, une solution au problème Poursuivant ses efforts quelques jours après avoir reconnu l'échec de sa mission, Kofi Annan a rencontré à Téhéran le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, qui a salué l'«impartialité» du médiateur. «Nous attendons de M. Annan qu'il mène son action jusqu'au bout pour ramener la stabilité et le calme en Syrie et dans la région», a déclaré le ministre, indiquant que «l'Iran fait partie de la solution» à la crise syrienne.M. Annan avait plusieurs fois plaidé pour que Téhéran, qui «a de l'influence» en Syrie, soit associé à la recherche d'un règlement, mais s'était heurté au refus des Américains et des Européens. Le médiateur a mis en garde de son côté contre le «risque de voir la crise syrienne échapper à tout contrôle et s'étendre à la région», estimant que l'Iran pouvait jouer un «rôle positif». Pour preuve : le conflit a encore débordé dans la nuit au Liban : des obus lancés du côté syrien se sont abattus sur le sol libanais après un échange de tirs nourris des deux côtés de la frontière, l'agence officielle syrienne Sana affirmant qu'une tentative d'infiltration de «groupes terroristes» en Syrie à partir du Liban a été déjouée. Il s'agit du troisième incident le plus grave à cette frontière poreuse en l'espace de deux semaines. Après Téhéran, il s'est rendu à Baghdad pour des entretiens également axés sur la Syrie, pays voisin de l'Irak. La veille de la visite de l'opposition à Moscou, un groupe de navires de guerre russes, avec à leur tête un bâtiment de lutte anti-sous-marine, a quitté hier Severomorsk (nord-ouest) pour le port syrien de Tartous, seule base navale russe en Méditerranée, selon Interfax. «Dans le port de Tartous, les navires vont faire des réserves de carburant, d'eau et de vivres», selon une source «militaro-diplomatique», précisant que l'opération «n'est pas liée à l'aggravation de la situation en Syrie». Le chef du CNS avait appelé, lundi, la Russie à arrêter ses livraisons d'armes au régime si elle entendait «maintenir de bonnes relations avec le peuple syrien». Quelques heures plus tard, des responsables chargés des exportations d'armes russes ont affirmé que Moscou ne conclurait pas de nouveau contrat d'armement avec son allié syrien tant que la situation n'est pas stabilisée dans ce pays.