Les deux villages du aârch, qui compte 114 martyrs de la guerre d'Indépendance, tentent de renaître et de se développer. L'âarch Iwaquren, situé au pied du mont Lalla Khedidja, garde encore, jusque dans ses recoins les plus réduits, les séquelles de l'acharnement colonial, 50 ans après l'indépendance. Les deux villages du âarch (Ighzer et Tadart Lejdid), complètement détruits par l'aviation française, tentent de renaître et de se développer, mais sans rien perdre de la fraîcheur de l'histoire de la glorieuse révolution. A l'occasion de la célébration, la semaine dernière, du cinquantenaire de l'indépendance, de nombreux jeunes et moins jeunes sont revenus sur le site de ce aârch pour se recueillir à la mémoire des 114 martyrs, tombés au champ d'honneur, et qui sont enterrés dans ces deux villages. Ce jour, Tadart Lejdid a connu une animation particulière des villageois, rassemblés au niveau de l'école abandonnée, mais retapée à l'occasion par le comité du village, avant de se rendre au cimetière des martyrs pour déposer une gerbe de fleurs et observer une minute de silence à leur mémoire. 45 martyrs de la guerre d'indépendance y sont enterrés. Une semaine auparavant, un hommage a été rendu à l'un d'eux, le lieutenant Amrouche Mouloud, dit Si Louloud Awaqur, tombé au champ d'honneur le 28 juin 1957, soit le lendemain de la mort de Malika Gaïd, presque dans les mêmes circonstances, après avoir été encerclée par les forces coloniales sur les mêmes terres d'Iwaquren. «À vrai dire, ici tout le monde est moudjahid, chacun a contribué à sa façon dans une guerre qui a été populaire», indique, fier, Lhadj Mhend, moudjahid et président de Tajmaât, le comité du village. La région a été une véritable zone de repli et de transit des moudjahidine. Des dirigeants de la guerre de libération y ont séjourné et pas des moindres : Amirouche, Krim Belkacem, Ouamrane, Benkhedda, Mohamedi Saïd,… «C'est dans cette maison des Amarouche qu'ils se rassemblaient. La maison des Ath Moussa était un refuge. On se soignait ici, il y avait un tribunal…», témoigne le moudjahid Lhadj Mhend Arab. Tadart Lejdid a été bombardé par l'armée française le 4 novembre 1957. Complètement détruit, le village garde à ce jour les restes d'une image apocalyptique. C'est tout le âarch qui était dans la ligne de mire de l'armée française. Ighzer, qui a payé un lourd tribut, subira le même sort pour s'être impliqué pleinement dans la guerre de libération nationale. Disséminés à Takerboust, Selloum, Maillot, Tazmalt…, les habitants d'Iwaquren seront rassemblés, dans leur majorité, dans des camps de toile érigés en 1958 au niveau de la localité de Raffour, relevant de la commune de Mchedallah. Leurs terres sont rattachées quant à elles à la commune de Saharidj. Les propriétaires et habitants de ces terres sont forcés à avoir affaire à deux communes. Après le recueillement, la foule a regagné l'école du village où elle a été conviée à une waâda, un couscous offert par des membres de la communauté villageoise dans un élan de solidarité et de communion. «Nos traditions sont intactes. Il nous arrive de faire du chmel (volontariat) deux fois par mois. Notre village garde toujours cet esprit d'entraide et tout le monde y met du sien», ajoute le président du comité organisateur des festivités. Bien que vivant loin du village, à Raffour, les habitants d'Iwaquren n'ont jamais rompu le cordon ombilical. Qu'il pleuve, qu'il neige ou dans la canicule, la montée quasi quotidienne vers les terres des ancêtres est presque un acte sacré. Mais dès la tombée de la nuit, Tadart redevient quasiment fantomatique. Faute de conditions d'une vie décente, il n'y a pratiquement personne.L'électricité est arrivée au village en 1994, débranchée par la suite avec l'avènement du terrorisme. Tadart n'a été rebranché qu'en 2011, mais des aménagements manquent encore. Tout comme le logement. La conduite qui achemine l'eau vers quelques endroits du village a été réalisée en 1947 «à la force des bras des villageois». C'est de la même façon aussi que la réfection, chaque année, est assurée aux pistes agricoles ouvertes en 2004 sur budget de l'Etat. «Chaque année, affirme Lhadj Mhend, il nous faut mobiliser des bulls et des niveleuses pour remettre en l'état ces pistes». Actuellement, le village est en train de redonner vie à un canal (terga) aménagé sur environ 5 kilomètres et datant de 1903 pour acheminer l'eau. Financé par l'Union européenne, ce canal servira à «l'irrigation de tout le âarch». Son inauguration prochaine sera un autre moment à partager, avec la satisfaction d'avoir relevé un défi. Un de plus, qui s'ajoutera à un autre, celui de réhabiliter le grand cimetière des ancêtres qui surplombe le village et pour lequel un plan est établi. «Pour que chacun vive dans de meilleures conditions, il faut encore du travail», suggère Lhadj Mhend. 50 ans après l'indépendance, les habitants d'Iwaquren «attendent à ce que l'Etat regarde un tant soit peu dans notre direction», dira le représentant de Tadart Lejdid, estimant : «peut être que c'est de notre faute, parce que nous avons longtemps cru qu'il revenait aux autorités de chercher après nous. Nous avons finalement compris qu'il faut que nous nous prenions en charge nous-mêmes, tout en espérant avoir la compréhension de notre Etat pour pouvoir atteindre nos aspirations».