Rompant avec le style et la méthode d'Alain Juppé, qui étaient perçus par beaucoup d'observateurs comme arrogants, méprisants et parfois même autoritaires, Laurent Fabius s'est employé, durant sa conférence, à minimiser l'ampleur des divergences entre les deux pays. A travers le compte rendu de ses entretiens avec le chef de l'Etat et Mourad Medelci, son homologue algérien, il ressort que les autorités des deux pays semblent s'être entendues pour sortir au plus vite les relations algéro-françaises de l'état calamiteux dans lequel les avait laissées Nicolas Sarkozy.Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui est arrivé dimanche à Alger avec pour mission de «donner un nouvel élan» aux relations algéro-françaises, qui se trouvent en crise depuis plusieurs années, s'est dit, hier, au terme de sa première visite au Maghreb, convaincu qu'il allait quitter l'Algérie avec le sentiment qu'une nouvelle page était en train de s'écrire entre les deux pays. «Je quitterai ce beau pays avec le sentiment que c'est une nouvelle page qui est en train de s'écrire et nous sommes extrêmement heureux d'y contribuer les uns les autres», a-t-il déclaré avec un large sourire lors d'une brève conférence de presse, animée au niveau de la résidence de l'ambassadeur de France à Alger, à l'issue d'un long déjeuner avec le président Bouteflika. Un dîner qui aura débordé d'un peu plus d'une heure sur son timing initial. M. Fabius a toutes les raisons d'être optimiste. A travers le compte rendu de ses entretiens avec le chef de l'Etat et Mourad Medelci, son homologue algérien, il ressort que les autorités des deux pays semblent, en effet, s'être entendues pour sortir au plus vite les relations algéro-françaises de l'état calamiteux dans lequel les avait laissées Nicolas Sarkozy et avancer dans leur projet commun de bâtir un partenariat d'exception. Pour preuve, Paris et Alger se sont donné trois mois, a révélé Laurent Fabius, pour boucler le maximum de dossiers en suspens. Ce qui nous amène à octobre prochain. La remarque vaut autant pour la lancinante question des archives, le projet de construction d'une usine Renault à Alger que pour la problématique de la circulation des personnes entre les deux pays. La course contre la montre est donc d'ores et déjà engagée, d'autant qu'il est prévu que le nouveau président français, M. Hollande, effectuera à l'automne prochain une visite en Algérie. Et il est attendu justement que ce déplacement serve à sceller la réconciliation algéro-française. Pour, probablement, prouver sa bonne foi et montrer le nouvel état d'esprit qui habite le pouvoir français, M. Fabius a annoncé la décision de son gouvernement de ratifier l'accord de défense signé par les deux pays en 2008. Un style nouveau loin de la provocation Rompant avec le style et la méthode d'Alain Juppé qui étaient perçus par beaucoup d'observateurs comme arrogants, hautains, méprisants et parfois même autoritaires, Laurent Fabius s'est employé, durant sa conférence, à minimiser l'ampleur des divergences entre les deux pays. Il a aussi soigneusement évité de traiter de sujets qui fâchent. S'il a ainsi préféré laisser aux président Bouteflika et Hollande le soin de régler eux-mêmes la question sensible de la mémoire, M. Fabius a tenu par ailleurs à «dissiper les analyses trop rapides et (…) erronées» qui laissent entendre qu'il y a actuellement une divergence de vues entre l'Algérie et la France sur le crise malienne. «Je le redis, il n'y a pas de divergence, voire d'opposition, entre une analyse qui serait celle des Algériens et une autre qui serait celle des Français. Cela comme si les uns, avec un certain angélisme, seraient favorables à une solution politique et les autres, avec un esprit belliciste, seraient hostiles à une solution politique et favorables à je ne sais quelle solution militaire (…). Il y a des problèmes politiques à traiter de manière politique et des problèmes terroristes à traiter de manière sécuritaire», a précisé M. Fabius. Concernant la question du Sahara occidental, il a préféré botter en touche. Tout en évitant soigneusement de parler du plan marocain d'autonomie soutenu ouvertement par le président Sarkozy et son gouvernement, le chef de la diplomatie française se contentera juste de rappeler que son pays a la même position que celle défendue par les Nations unies et qu'il était favorable à tout ce qui peut rapprocher le Maroc et l'Algérie. Deux pays qui, a-t-il dit, sont nos amis. Le choix du nouveau gouvernement français de jouer la carte de l'apaisement avec l'Algérie paraît en tout cas avoir été payant. Faisant justement le bilan préliminaire de son séjour à Alger, l'ancien Premier ministre français sous François Mitterrand a assuré que l'objectif de sa mission , qui consiste à relancer les relations algéro-françaises, «a été pleinement atteint. J'avais dit en venant ici que les trois mots d'ordre seront objectivité, proximité et amitié. Et c'est ce que j'ai ressenti tout au long de cette visite». Côté algérien, l'on semble également satisfait de cette visite. Dans un rare commentaire, le quotidien gouvernemental El Moudjahid a relevé, hier, un changement très net du climat franco-algérien depuis l'élection du socialiste français à la Présidence. Outre le contenu chaleureux des messages échangés pour les 50 ans de l'Algérie indépendante, le 5 Juillet, et la fête nationale française le 14 juillet, le journal a souligné «l'importance qu'accordent les autorités françaises à notre pays avec lequel la concertation est soutenue, notamment sur des questions sensibles comme la recherche d'une solution au problème du Mali». En un mot, tous les ingrédients semblent donc aujourd'hui réunis pour permettre une normalisation durable des relations algéro-françaises et, pourquoi pas, la conclusion de ce partenariat d'exception que les présidents des deux pays appellent de leurs vœux.