Un bien curieux hasard que celui de la mort en prison du dernier président de la déjà ex-Yougoslavie, une fin bien triste qui coïncide avec le troisième anniversaire de la mort de celui qui incarnait pour les Yougoslaves - à l'exception bien entendu des nostalgiques de l'ancien régime - l'ouverture sur le monde et la démocratie. Il s'agit du Premier ministre réformiste Zoran Djindjic mort assassiné un 12 mars d'il y a trois années. En effet, l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, 64 ans, a été retrouvé mort hier dans sa cellule à La Haye. L'information avait été donnée d'abord par la radio de Belgrade B92, avant d'être confirmée par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) devant lequel il comparaissait pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, et génocide. « Dommage qu'il soit mort avant d'avoir répondu de ses actes devant la justice », a tout simplement déclaré Vuk Draskovic, ministre des Affaires étrangères, de Serbie Monténégro, la nouvelle entité qui a succédé à l'ancienne fédération yougoslave. Milosevic « avait ordonné plusieurs fois des tentatives d'assassinat contre moi », a-t-il ajouté en marge d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE et des Balkans à Salzbourg (Autriche). « J'espère beaucoup que cet événement, la mort de Milosevic, aidera la Serbie à regarder définitivement vers l'avenir », a de son côté déclaré le haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, Javier Solana, ajoutant que c'était « toujours triste » quand un homme mourait. « J'ai eu personnellement des relations complexes et difficiles avec lui pendant des années », a-t-il ajouté. « Permettez-moi d'avoir une pensée très particulière pour tous ceux qui ont eu à souffrir de la purification ethnique planifiée par cet homme », qui a été « l'un des principaux acteurs, sinon le principal acteur de la guerre des Balkans », a ajouté le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy. Quant à son frère, il a accusé depuis Moscou le TPI d'être « entièrement responsable » de son décès. « Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie porte l'entière responsabilité de cela », a dit Borislav Milosevic. Cet ancien ambassadeur de Yougoslavie en Russie avait dénoncé fin février le refus du Tribunal pénal international de laisser son frère se faire soigner en Russie, reprochant aux juges de violer ses droits et de « dédaigner » les garanties offertes par Moscou. Estimant que la majorité des Russes sympathisaient avec son frère, Borislav Milosevic avait dit que le TIP était « un tribunal politique de l'Otan ». Milosevic était en tête de la longue liste des anciens dignitaires yougoslaves poursuivis par la juridiction internationale spécialement chargée de les juger. Certains ont été jugés et condamnés, d'autres sont pourchassés, avec une incroyable malchance pour ceux qui sont supposés les traquer et les arrêter. Ce qui est une autre histoire, au moment où prend fin celle d'un homme qui a mis le feu aux poudres, une explosion qui a provoqué celle de son pays, jusqu'à la plus petite entité, comme le Kosovo de fait indépendante. « Des sources proches du tribunal ont indiqué que Milosevic a été découvert mort ce matin dans sa cellule. Au moment où il a été découvert, il était déjà mort depuis plusieurs heures », selon la radio. La famille de Milosevic, sa femme et son fils, en fuite en raison des procès menés par la justice serbe, probablement en Russie, et sa fille qui vit au Monténégro, ont déjà été informés, a ajouté B92. Milosevic souffrait d'hypertension et de difficultés cardiovasculaires et son procès avait été interrompu à de nombreuses reprises. Le tribunal pour l'ex-Yougoslavie avait rejeté fin février une demande de remise en liberté provisoire déposée par les avocats de M. Milosevic, désireux de se faire soigner en Russie, en dépit des garanties déposées par Moscou. Son procès, qui a débuté le 12 février 2002, devait reprendre le 14 mars par le témoignage de l'ancien président du Monténégro, Momir Bulatovic. Milosevic a été arrêté le 1er avril 2001, six mois après le renversement de son régime en octobre 2000. Il a été livré au TPI en juin 2001 par Djindjic, alors Premier ministre, assassiné en plein jour, le 12 mars 2003, dans la cour du bâtiment du gouvernement, en plein centre de Belgrade. Trois ans après sa mort, le pays est toujours soumis à d'intenses pressions pour livrer les fugitifs inculpés de crimes de guerre par le TPI, dont l'un des plus recherchés, Ratko Mladic, est désormais le principal obstacle à l'intégration de la Serbie à l'Europe. La nouvelle Serbie se heurte aux exigences de plus en plus grandes de l'UE, afin tout juste de se rapprocher des candidats à la candidature pour l'intégration au sein de l'ensemble européen. Quant à Milosevic, sa mort met prématurément fin à un procès qui devenait long.