En mage du congrès, le président du Mouvement européen international, Pat Cox, revient dans cet entretien sur les objectifs du mouvement et le choix de l'Algérie pouur la tenue de ce congrès. Qu'est-ce que le Mouvement européen international et pourquoi le choix de la capitale algérienne pour y tenir un congrès ? C'est une organisation qui a été fondée en 1948 autour du premier ensemble européen d'après-guerre (le charbon et l'acier) qui préfigurait l'Union européenne d'aujourd'hui. Nous sommes présents dans 41 pays allant de l'Atlantique à l'Ukraine et de la Baltique au Caucase. Nous ne sommes pas une institution politique mais une organisation de la société civile. Nos adhérents, qui sont des hommes politiques, des patrons d'entreprises, des syndicalistes ou des personnalités du mouvement associatifs, y travaillent en tant que bénévoles acquis à l'idée européenne. Etre aujourd'hui à Alger signifie que nous avons pour la première fois de notre histoire franchi la frontière européenne pour tenir notre congrès dans un pays de la rive sud de la Méditerranée. Pourquoi cet intérêt plutôt tardif pour les pays sud-méditerranéens alors que les textes fondateurs du mouvement recommandaient pour diverses raisons une coopération beaucoup plus intense avec eux ? Est-ce l'échec du sommet de Barcelone qui a en quelque sorte tiré la sonnette d'alarme ? Non pas spécialement. Il y a des associations qui travaillent en permanence pour entretenir et promouvoir le dialogue. Nous avons compris bien avant le tenue de ce sommet qu'on peut qualifier de décevant, qu'il fallait surtout s'appuyer sur la société civile des deux rives pour impulser une nouvelle dynamique au dialogue nord-sud méditerranéen. Nous nous heurtons malheureusement à l'insuffisance, voire même l'absence d'interlocuteurs du côté de la rive sud avec lesquels nous aurions souhaité dialoguer sur toutes les questions susceptibles de renforcer la coopération et le partenariat. Un des principaux objectifs du mouvement est de développer le dialogue avec les pays du sud de la Méditerranée qui ont déjà du mal à dialoguer entre eux. N'est-ce pas là un préalable à régler en priorité avant de penser à un dialogue plus large ? C'est vrai que les pays du sud de la Méditerranée et notamment les pays du Maghreb dialoguent très peu entre eux mais cela a été aussi le cas de nombreux pays européens voisins qui ont attendu longtemps avant d'être pris dans la bénéfique dynamique d'union européenne. Cette dynamique est du reste appelée à se poursuivre et s'approfondir avec les pays des Balkans notamment ceux de l'ex-Yougoslavie qui ont compris l'importance de leur adhésion à l'Union européen aussi bien pour des raisons économiques et sociales que pour des raisons géostratégiques. La leçon que nous tirons des relations entre pays d'Europe nous incite à recommander aux pays du Maghreb de commencer sans tarder à faire des ouvertures avec les pays de la rive sud. La société civile a un grand rôle à jouer en complément de l'action politique des pays concernés. Elle devra pour ce faire créer des espaces qui permettent d'agir. L'adhésion de l'Algérie à la zone de libre-échange euro-méditerranéenne a tendance à se traduire par la création de comptoirs commerciaux. Les investissements attendus ne viennent pas, accréditant l'idée que le rapprochement se fait au seuls avantages des pays européens. Comment peut-on dans ce cas continuer à défendre l'ouverture que vous préconisez ? Vous soulevez là de vrais problèmes. Ce sont des questions très importantes qui feront l'objet de débats dans les différents ateliers organisés à l'occasion du congrès. Il faut laisser les gens concernés en parler et être à leur écoute. J'attends beaucoup de ces ateliers qui débattront de problèmes aussi importants que la culture, l'investissement et les migrations. Je demeure très optimiste en tant qu'ancien président du conseil européen qui a vu le processus d'adhésion évoluer au plan diplomatique mais, aussi et surtout, en tant que citoyen natif d'Irlande qui comptait parmi les pays les moins développés d'Europe et qui est devenu du fait de son adhésion à l'union un des plus riches du continent. Telle qu'elle est engagée, la coopération euro-méditerranéenne ne fait la part belle qu'aux marchandises qui sont libres de circuler, mais pas aux hommes qui les produisent, astreints comme vous le savez au régime très sélectif des visas. Quelle est précisément la position du mouvement sur la question ? Ce qui est très bon à savoir, et je le tiens de l'expérience du peuple irlandais qui était comme vous le savez un important réservoir d'émigration, c'est que le développement d'un pays peut inverser totalement la tendance des flux migratoires. L'Irlande qui grâce à ses efforts de développement est passée de la situation de pays d'émigration à celle de pays d'immigration pourrait servir d'exemple à l'Algérie. Grâce à la forte croissance que le pays réalise, bon nombre de nos anciens émigrés sont revenus en Irlande, devenant ainsi des immigrants en partance pour leur pays d'origine. L'Irlande s'est même ouverte à l'émigration en faveur des étrangers susceptibles de contribuer à notre croissance économique. C'est par conséquent le manque de développement qui force un peuple vers l'émigration. C'est pourquoi je considère que le meilleur moyen de la stopper est de saisir l'opportunité de la mondialisation pour développer, comme nous l'avons fait, les activités d'exportation et de services. Dans la situation d'incompréhension mutuelle qui s'est exacerbée avec le terrorisme international, la circulation sans restriction aucune des personnes entre les deux rives est à l'évidence un idéal difficile, sinon impossible à défendre auprès des Etats concernés.