Pour emprunter la route du sel et du savoir, il convient de laisser le chameau en liberté et de voyager avec les photos des Baldizzone et les textes poétiques de Bernard Chambaz. La traversée du désert prend des allures d'une croisière initiatique. C'est un voyage dépaysant, ludique, férocement enivrant. On ne voyage pas inutilement dans le désert. Plus qu'une destination, c'est un pèlerinage sans fin. Un hommage éternel à l'infini. Le sable comme mer, le chameau comme bateau. La route du sel est une odyssée mystique, nécessairement. Le désert est une multitude de mondes, chacun y trouve sa capitale. Son monde. Le poète et historien Bernard Chambaz nous restitue son désert, un univers éclatant, foisonnant. Les photographies de Tiziana et Gianni Baldizzone ne saisissent pas l'instant, mais au contraire en restituent la durée. La conjugaison des photos et des textes de Bernard Chambaz forme une alchimie soufie, propre aux étendues silencieuses, sablonneuses. L'abécédaire est une belle trouvaille. Comme un trousseau de clés. Les portes ne s'arrêtent pas de s'ouvrir sur des horizons larges. « J'ai découvert le désert dans l'abécédaire de mes 6 ans. C'était à la lettre S : il n'y avait pas encore le sel ni le savoir, que je trouverais sur ma route grâce aux photographies rapportées par Tiziana et Gianni Baldizzone de leur voyage en Mauritanie - dans le Grand vide intérieur - parmi les caravanes de sel et les bibliothèques de manuscrits savants. En revanche, le sable s'étendit à perte de vue - comparable à celui du bac où j'avais joué au jardin public. L'impression en fut peut-être assez forte pour que trente ans plus tard j'aille à mon tour voir de mes propres yeux le désert. J'y retrouverai, en grand, le petit tas de sable du jardin et de mon abécédaire - preuve éclatante de la magie d'un beau livre d'images - et par définition, des mots », remarque Bernard Chambaz à la lettre S. La route du sel de Bernard Chambaz est de celle que l'on aime à partager, à découvrir et à faire découvrir. La route du sel relie depuis l'antiquité l'Afrique noire au Maghreb, deux mondes que les caravanes des Maures transportant le sel du désert (échangé avec l'or soudanais ou des esclaves) faisaient se rejoindre. La beauté des photos ne rend que plus féerique ce voyage initiatique.